Alba, Marta, Roser et Alicia parlent en espagnol entre elles. Roser, la violoniste, s’adresse en français à Mehdi. Qui, lui-même, balance des instructions en darija à ses musiciens. Avant de demander, en anglais, à l’ingé son (espagnol) d’augmenter le son de son hajhouj. Une fusion des langues, dans le cadre d’une fusion musicale entre le groupe de flamenco barcelonais Las Migas, qui joue pour la première fois à Essaouira, et Mehdi Nassouli, un habitué du festival, et son groupe gnaoui. Cet après-midi du 14 mai, une dizaine de musiciens se partagent la petite scène sur le toit du Borj Bab Marrakech d’Essaouira.
« Cela fait deux jours que nous répétons ensemble, mangeons ensemble et tout le monde est content. Le but de ce festival, c’est le rassemblement ; une chose que les politiciens échouent à réaliser et dont nous avons pourtant vraiment besoin », estime l’artiste gnaoui. Du côté des filles, même ravissement. « Nous avons pris des idées de nos deux groupes » pour composer trois morceaux « à partir des compositions qui se ressemblent », expliquent les quatre musiciennes espagnoles. « Le groupe de Mehdi et nous jouons des musiques traditionnelles qui ont beaucoup de similitudes, comme les rythmes ou les tonalités, nous sommes sûres que ça va marcher », ajoutent-elles.
Une « conversation »
« Une fusion c’est comme une conversation. Et si la relation est bonne, la conversation l’est aussi. Nous avons eu la chance d’être très complices avec Mehdi », théorisent les filles, qui ne seront pas démenties par la performance de ce samedi soir. « Même on ne s’en rend pas compte immédiatement, les fusions influencent notre futur travail. On apprend beaucoup de choses, aussi bien humainement que musicalement », explique Mehdi Nassouli, qui confie que ses collaborations passées avec l’artiste de musique gitane français Titi Robin lui ont permis d’avoir accès à la musique de Las Migas. Annoncée à minuit, la fusion démarre près d’une heure plus tard, après que Mehdi Nassouli a rejoint les quatre musiciennes espagnoles sur l’estrade.
Très élégant avec son turban blanc et vêtu d’un jabador en velours noir, Mehdi Nassouli vient d’arriver. Le temps pour Alba d’enfiler, elle-aussi, du velours, couleur aubergine, sous la forme d’une robe longue, ouverte dans le dos. Yeux charbonneux, lèvres rouges, boucles d’oreilles créoles dorées et robes fluides pour ses compagnonnes qui s’évertuent à faire danser les corps de la centaine de spectateurs recroquevillés par le froid sur leurs poufs, posés sur de grands tapis. De son timbre éraillé et tranquille, associée aux tintements des qraqabs, le Maâlem en devenir remue des épaules aux premiers rangs. Les unes après les autres, les voix des deux groupes enchantent le toit, au-dessus duquel quelques mouettes fendent la nuit noire. Pour un moment suspendu.
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