La COP22 sera africaine ou ne sera pas

C’est parti pour la COP22. Le Maroc a présenté le 28 avril sa feuille de route en vue de la conférence de Marrakech, avec des objectifs résolument ancrés dans le continent africain.

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De gauche à droite: M Said Mouline, Chef du pôle partenariat public/privé, Mme Hakima El Haité Envoyée spéciale pour la mobilisation, ministre déléguée à l'Environnement, M Abdelâdim Lhafi Commissaire de la COP22, Haut-Commissaire aux Eaux et Forêts, M Aziz Mekouar, Ambassadeur pour la négociation multilatérale et M Driss El Yazami, Chef du pôle de la société civile.

La COP22 rentre dans le vif du sujet. Le 28 avril, le comité de pilotage a présenté, à Rabat, sa feuille de route pour la présidence marocaine de la convention des Nations unies sur les changements climatiques. Il s’agit des objectifs fixés — en concertation avec le Secrétariat général des Nations Unies et la France, actuelle présidente de la COP –, pour que la COP22 soit une COP réussie. En d’autres termes, il s’agit des critères à l’aune desquels il faudra juger le succès de l’accord signé à Marrakech en novembre 2016. Dans la droite ligne de l’allocution de Mohammed VI lue par Moulay Rachid à la COP21 le 30 novembre dernier et qui évoquait « l’urgence de mettre en cohérence les mots et les actes », le comité de pilotage a présenté le futur Accord de Marrakech comme celui de la mise en œuvre de l’Accord de Paris, négocié lors de la COP21 en décembre 2015 et signé à New York le 22 avril. C’est l’accord international le plus signé en un seul jour de l’histoire de l’ONU avec 175 parties signataires (174 pays + l’Union européenne). Or, signer l’accord ne suffit pas, les pays doivent encore le ratifier.

Passage de témoin

C’est d’ailleurs l’objectif numéro 1 de la présidence marocaine : « Accompagner et soutenir la présidence française en mobilisant le plus grand nombre de parties à ratifier (…) l’Accord de Paris, avant la tenue de la COP22. » Car la tenue de la conférence du 7 au 18 novembre est loin d’être le seul rôle du Maroc. « Plus qu’un événement, il s’agit d’un processus dans lequel le Maroc s’est inscrit depuis la signature de la convention au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 », rappelle d’ailleurs Hakima El Haité, envoyée spéciale pour la mobilisation et ministre déléguée chargée de l’Environnement. Comme pour légitimer sa présidence, le Maroc se plait à rappeler son rôle de “pionnier” en matière d’écologie. Le public présent au ministère des Affaires étrangères le 28 avril pour la présentation de la feuille de route a d’ailleurs eu le privilège de visionner des images d’inaugurations royales, depuis les barrages d’Hassan II jusqu’à la centrale solaire Noor de Mohammed VI, le tout monté sur de la musique techno.

Continuité

La COP22 sera en partie celle de la continuité. Continuité avec le modèle de développement du royaume depuis l’adoption de sa Charte nationale de l’environnement et du développement durable (CNEDD) comme loi-cadre en 2014, mais également continuité avec la COP21. Car le deuxième axe de la feuille de route marocaine ambitionne de « maintenir la mobilisation engagée par la présidence française pour que les pays développés annoncent, à l’occasion de la COP22, une réévaluation à la hausse de leurs ambitions, indiquées dans leurs Contributions déterminées au niveau national (CDNs), afin de réduire les écarts des émissions de carbone à l’horizon 2020. » Sur ce point, le Maroc est effectivement pionnier puisqu’il fait partie des cinq pays dont la contribution est jugée « suffisante » pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés Celsius d’ici la fin du siècle. Le royaume s’est engagé à réduire de 32 % de ses émissions de carbone d’ici 2030.

Troisième COP africaine de l’Histoire

Il y a des pays plus faciles à convaincre que d’autres en matière d’engagement contre le réchauffement climatique. 15 États avaient ratifié l’Accord de Paris avant même sa signature à l’ONU le 22 avril dernier. Principalement des États insulaires, les plus concernées par la montée du niveau de la mer. Mais les pays africains leur emboitent le pas. C’est qu’eux aussi se sentent concernés par la hausse des températures. « D’ici 2050, il suffira d’une augmentation de 1,2 à 1,9 degré Celsius environ pour accroître d’entre 25 et 95 % le nombre d’Africains sous-alimentés (+ 25 % en Afrique centrale, + 50 % en Afrique de l’Est, + 85 % en Afrique australe et + 95 % en Afrique de l’Ouest). La situation sera catastrophique pour les enfants, dont la réussite scolaire dépend d’une alimentation appropriée, » lit-on sur le site des Nations unies. Une COP sur le continent africain, c’est une occasion rêvée pour faire entendre la voix de ses pays majoritairement en voie de développement. La conférence de cette année sera la troisième COP en Afrique, après Durban en 2011 et Marrakech, déjà, en 2001.

Une seule voix pour l’Afrique

Au siège de la FAO (l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), Abdelâdim Lhafi, commissaire de la COP22, formulait récemment le vœu que le « continent africain puisse bénéficier d’une attention particulière lors de cette conférence (la COP22, NDLR) », ajoutant que « des initiatives communes des pays africains sont de nature à renforcer leur position lors de la COP ». Seyni Nafo, ambassadeur climat pour le Mali et président du groupe africain à la Convention climat de l’ONU assurait quant à lui le 22 avril à Jeune Afrique que « l’Afrique parle d’une seule voix pour le climat ». Et le Maroc a évidemment un rôle à jouer dans ce sens. Pour Hakima El Haité « Marrakech sera l’occasion d’accélérer la coopération Sud-Sud ». Ça a d’ailleurs déjà commencé. « Les négociateurs africains se sont réunis en février à Cape Town pour harmoniser leurs positions. La semaine dernière, au Caire, ils ont adopté une feuille de route commune qui se trouve être celle du Maroc », expliquait à Telquel.ma Aziz Mekouar, ambassadeur pour la négociation multilatérale, le 28 avril.

L’accès au financement

Une des principales préoccupations des pays africains en matière de développement durable est le financement des grands projets allant dans ce sens. Alors que l’Afrique est cette année la coprésidente du Fonds vert des Nations Unies, le continent n’en perçoit que 12 %. « Tout part en Asie parce que nos dossiers ne sont pas “bancables” », s’emporte Hakima El Haité. Le 4e axe de la feuille de route marocaine est d’ailleurs de « convenir d’une feuille de route prévisible et concrète en vue de mobiliser les 100 milliards de dollars d’ici 2020 », comme prévu en 2009 à Copenhague « en procédant à une ventilation par pays, par type de projet ». Aussi, le 5e axe mentionne l’« assistance technique aux pays vulnérables pour la préparation de leurs dossiers de projets afin d’accéder plus facilement au financement ».

Vers un transfert de technologie Nord-Sud ?

Un autre enjeu pour l’Afrique est celui des énergies renouvelables. L’accord de Paris prévoit d’ailleurs « la nécessité de promouvoir l’accès universel à l’énergie durable dans les pays en développement, en particulier en Afrique, en renforçant le déploiement d’énergies renouvelables ». On retrouve cet objectif également dans le 5e axe de la feuille marocaine, assortie de la mention « facilitation des transferts de technologie ». Car si pour Said Mouline, chef du pôle partenariat public/privé « les changements climatiques peuvent être une opportunité pour les entreprises du Nord et du Sud », c’est surtout au Nord que se trouve la technologie et c’est donc les entreprises du Nord qui en profitent le plus pour l’instant. En la matière, le Maroc est à la croisée des chemins. On ne construit pas encore d’éoliennes au Maroc par exemple. En revanche, le royaume construit des barrages en Afrique via Novec. Alors le Maroc, Nord ou Sud ? Réponse d’Hakima El Haité : « Nous pouvons être un pivot dans des négociations triangulaires Nord-Sud ».

Et l’organisation ?

Alors que l’attention sur les préparatifs de la COP22 était jusqu’à présent portée sur l’aspect logistique de la conférence, c’est le coup d’envoi de l’aspect environnemental qui a été donné. « Notre objectif c’est aussi que la préoccupation écologique entre dans toutes les maisons, les écoles, les associations, les entreprises… », explique encore Hakima El Haité. Mais à 8 mois d’un événement majeur pour les pays, les aspects purement matériels ne sont pas encore tout à fait réglés. Sur l’aspect financier, le Maroc a déjà débloqué 31,2 millions de dollars pour l’organisation de l’événement dont le coût s’élève à environ 88 millions de dollars. L’UE y injectera 2 millions d’euros avec une possibilité d’obtention d’un supplément de 5 millions en négociation. Des discussions vont bon train avec le PNUD qui pourrait allouer 2 millions de dollars. Quant au choix du prestataire pour l’aménagement du site, Abdeslam Bekrate, chef du pôle de la logistique et de la sécurité, nous confie que « les négociations se finalisent sur des points de détails avec le groupement d’entreprises en lice (mené par GL Events, NDLR) pour arriver à un budget entre 400 et 500 millions de dirhams. D’ici lundi, nous arriverons à un accord et pourrons l’annoncer ».

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