Comment les marques marocaines investissent-elles dans le digital ? Sont-elles suffisamment conscientes et à l’affût des évolutions du secteur et du consommateur marocain de plus en plus « rebelle » ? Enfin, existe-t-il une « marque digitale » ? Et comment réussir cette mutation ?
Le 4 avril, Yasser Monkachi, président et co-fondateur de l’agence digitale Social impulse, Mounir Jazouli président du Groupement des annonceurs marocains (GAM) et Majid El Ghazouani président de l’Union des agences conseil et communication (UACC), ont tenté de répondre à ces questions lors de l’annonce du séminaire « La marque digitale, quels enjeux actuels et quel avenir », qui devrait se tenir le 21 avril à Casablanca.
Ces questions sont relativement récentes au Maroc, dans la mesure où les marques ont commencé à se pencher sur ces thématiques depuis deux ou trois ans, remarque Majid El Ghazouani. Le marché se trouve à un stade encore dominé par l’expérimentation puisque les « annonceurs ne sont pas au même niveau de connaissance sur le digital », explique Mounir Jazouli.
Selon lui, il existe trois catégories d’entreprises :
– La majorité, constituée de celles qui s’essayent au digital ;
– Celles qui sont convaincues de l’intérêt d’investir, mais qui ne le font pas car elles ont besoin d’être rassurées ;
– Une dernière catégorie, plus rare, qui a mis en place une structure outillée.
« Tout le monde s’autoproclame expert en digital, ce qui ne facilite pas la transition », regrette Mounir Jazouli.
L’engouement des entreprises est pourtant réel et concret : 84% des sociétés marocaines prévoient d’augmenter leur budget pour le digital, selon l’étude Digital Trends Morocco 2016, commanditée par GAM en collaboration avec le cabinet Kurt Salmon fin 2015. Dans un autre registre, si les investissements publicitaires dans le digital ne représentent que 7% du total du marché, l’évolution annuelle est, elle, à « double chiffre », nous explique le président de GAM, qui estime le volume global des investissements à « plusieurs centaines de millions de dirhams ».
Au-delà de la publicité, l’investissent dans la « marque digitale » s’étend à plusieurs aspects, dont le community management, la transformation digitale, le Brand content, etc.
Rébellion et « retraditionnalisation »
La digitalisation n’est pas une « simple tendance, mais une vague de fond », alerte Yasser Monkachi de Social Impulse, qui évoque des « mutations économiques, sociétales et culturelles » qui imposent cette transformation des marques en « marques digitales ». Il remarque que « les millénials -la génération née avec les débuts de l’informatique, ndlr- se rebellent ». Ils s’approprient des outils comme le réseau social Snapchat, obligeant les marques à s’ y adapter.
Cette appropriation par le consommateur et ces velléités de rébellion sont un défi pour les marques, qui sont toutes « susceptibles de vivre leur printemps arabe », s’inquiète le président de GAM, qui fait référence à #OpeUnlike, hashtag (et mot d’ordre) sous lequel se sont unis massivement les internautes marocains pour dénoncer le blocage de la VoIP, engendrant une campagne massive de désabonnement des pages de opérateurs téléphoniques.
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Outre la force plus que jamais décuplée du client, il existe de nouvelles contraintes comme les Add blockers, ces logiciels qui suppriment les publicités en ligne, mais aussi les Add fraud, en d’autres termes les risques d’arnaque virtuelle auxquelles s’exposent plus que jamais les marques. Mounir Jazouli a un exemple qui s’en approche : « une marque de voiture a été surprise et choquée de voir ses annonces diffusées sur un site de propagande pour Daech ». Cela s’explique par l’automatisation de la publication des publicités, comme on le retrouve dans les Google Ads par exemple.
A tout cela s’ajoute la « spécificité marocaine », bien réelle selon le patron de Social impulse, et qui ne se met pas à l’abri d’une « retraditionnalisation », à l’image du succès de la campagne Sardi.ma. La vente de moutons en ligne est ainsi à cheval (sans jeu de mots) entre le monde du digital et celui bien concret d’Aid El Kébir, explique Yasser Monkachi. Pour développer la marque digitale marocaine, il faut ainsi développer l’environnement autour « d’applications à forte valeur ajoutée » développées spécifiquement pour le marché marocain, ajoute-t-il. Sans cela, il n’existera pas de « base solide » pour envisager l’avenir avec sérénité.
« Aujourd’hui, nous avons une idée sur ce qui marche ou pas, mais nous ne disposons pas d’études sociologiques sur le comportement des internautes marocains », reconnaît Majid El Ghazouani, président de l’UACC. L’on sait par exemple que le consommateur marocain est « très critique, très suiveur et solidaire ». De quoi continuer l’expérimentation et l’exploration, mais pas encore suffisamment de « metrics » (statistiques) pour une marque digitale marocaine à très forte valeur ajoutée.
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