Près d’un an après l’annonce par le Palais royal en mai 2015 de la dépénalisation de l’avortement dans certains cas pris en compte pour la première fois, le projet de loi n’a toujours pas été présenté. Alors que la loi autorise jusqu’à présent l’avortement dans les seuls cas où la santé de la femme est en danger, les directives royales prévoyaient d’autoriser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans « quelques cas de force majeure », notamment lors de « grossesses (qui) résultent d’un viol ou de l’inceste », ou encore dans les cas de « graves malformations et maladies incurables que le fœtus pourrait contracter ». Pour le reste, l’IVG reste passible de cinq ans d’emprisonnement.
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Dix mois plus tard, où en est ce projet de loi ? « C’est la question que je me pose », nous confie le professeur Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (Amlac). « Au ministère de la Santé, on me dit qu’il est au ministère de la Justice. À la Justice, on ne me répond pas » explique-t-il, alors qu’il a lui-même élaboré des rapports sur l’avortement pour les deux ministères. Pour Driss El Yazami, président du Conseil national des droits de l’Homme, qui a lui aussi été consulté, « rien n’est encore tranché, ça se joue entre le ministère de la Santé et celui de la Justice. »
En mai 2015, El Hossein El Ouardi, ministre de la Santé, exprimait son sentiment sur la question à TelQuel : « La femme devrait disposer de son corps. Si par exemple une femme démunie tombe enceinte d’un enfant dont elle n’a pas les moyens de s’occuper, comment va-t-elle s’en sortir ? Elle doit avoir le droit de décider (…) Selon moi, il faut absolument légaliser l’avortement, car ce n’est pas uniquement une question médicale, mais également sociale. », concluait le ministre PPS.
Y aurait-il mésentente entre les deux ministères sur la question ? « Peut-être que le gouvernement islamiste a été contraint et forcé d’accepter ce projet de loi et qu’il est en train d’essayer de le retarder au maximum. J’ai bien peur qu’il ne soit casé dans un tiroir, de manière délibérée », s’inquiète Chafik Chraïbi qui poursuit : « Dans tous les cas, c’est un sujet qui devrait être traité de manière prioritaire. Il y a chaque jour des femmes et des enfants qui meurent de l’avortement clandestin». Contactés à plusieurs reprise par Telquel.ma, les ministres de la Santé et de la Justice n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
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Lors du traditionnel défilé du 8 mars célébrant la Journée de la Femme, les slogans sur les banderoles de l’Amlac réclameront la mise en application « rapide » du projet de loi, mais également une ouverture plus large. « Il faut que la mineure et la retardée mentale entrent dans le cadre du viol. Et il faut également que la notion de risque pour la santé inclue le bien-être de la femme comme le prévoit l’OMS », conclut Chraïbi.
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