Comment diminuer notre consommation de sel, si dangereuse pour la santé ?

La surconsommation de sel est à l’origine de nombreux décès. Médecins et agro-industriels marocains tentent tant bien que mal de s’organiser pour lutter contre.

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Crédit : kropekk_pl/Pixabay.

Si l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande de consommer entre 3 et 5 grammes de sel par jour (un peu moins d’une cuillère à café), c’est qu’à plus forte dose, le condiment peut être à l’origine de nombreuses maladies. Selon l’organisation, la surconsommation de sel est responsable de 10 % des décès dus aux maladies cardiovasculaires. Elle est aussi associée à l’hypertension artérielle, qui touche d’ailleurs plus de 40 % de la population marocaine (un des taux les plus élevés de la région Mena). Ostéoporose, obésité, cancer de l’estomac : la consommation excessive provoque bien d’autres dégâts.

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Des dégâts dont l’origine peut remonter avant même notre naissance. C’est ce qu’a exposé Amina Barkat, chef du service néonatalogie de l’hôpital d’enfants de Rabat, à l’occasion d’une conférence organisée le 2 mars par le groupe de recherche nutrition humaine (GRNH) de la Faculté des sciences de Casablanca, qui tente de combattre cette surconsommation depuis quelques années.  La professeure explique que la malnutrition pendant la vie fœtale a des conséquences tout au long de la vie. Une surconsommation de sel pendant la grossesse expose les bébés à des lésions rénales et à de l’hypertension artérielle plus tard. Côté mère, cette consommation est parmi les causes de mortalité en couche.

« Dès 3 à 6 mois, le bébé commence à apprécier le goût salé et s’il mange salé avant ses 2 ans, il aimera le salé toute sa vie », explique la médecin. Or, le sel peut devenir addictif. Il est donc conseillé de ne pas saler l’alimentation d’un enfant jusqu’à ses deux ans et de privilégier les purées « maison » aux petits pots. Le lait maternel est aussi moins salé que celui en poudre.

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Les conseils pratiques

Rachida Hebbal, chef du service cardiologie de l’hôpital Ibn Rochd de Casablanca qui a déjà mené une expérience de sensibilisation des patients à leur consommation de sel qui a fait ses preuves, énumère quelques conseils : connaître les plus fortes sources de sodium (viande et poissons fumés, biscuits salés, pain…), retirer la salière de la table, ne pas ajouter de sel pendant la cuisson, le remplacer par des herbes et du citron, éviter les sauces, le pain, les plats préparés et les conserves (heureusement, on mange moins de produits transformés au Maroc que dans d’autres régions) ou encore lire les étiquettes. Attention à ne pas confondre sel et sodium. 2 grammes de sodium équivalent à 5 grammes de sel.

Il est évident qu’une campagne de sensibilisation nationale est essentielle pour que les Marocains intègrent ces recommandations. Le ministère de la Santé n’en a encore jamais réalisée. « Une stratégie nationale existe. Un plan d’action est en train d’être élaboré », explique un responsable du ministère. « Je vais insister auprès de Choumicha », lance de son côté Abdelfettah Derouiche, qui travaille sur le sujet et rêve que la cuisinière à succès participe à leur travail de sensibilisation.

Après le pain, la charcuterie

Parce que les industriels ont aussi leur part de responsabilité, c’est vers eux que s’est tourné en premier le GRNH. D’après une de ses études, les Marocains consomment en moyenne 9 grammes de sel par jour (soit deux fois plus que la portion quotidienne recommandée) rien qu’avec du pain. Et pourtant, « on peut réduire la quantité de sel dans le pain jusqu’à 50 % sans qu’il n’y ait de conséquence sur le goût », affirme Mohamed Alami, président de l’association Tous avec le cœur. La Fédération nationale des boulangers pâtissiers (FNBP) s’est engagée en 2015 à réduire progressivement le sel utilisé dans le pain qu’ils fabriquent en passant de 18 grammes à 10 grammes par kilo de pain d’ici 2020. Une campagne a été menée par les étudiants de la faculté des sciences auprès des boulangers casablancais. En un an, parmi ceux qui ont entendu parler de la campagne de la FNBP, 14,5 % ont réduit leur utilisation de sel.

De leurs côtés, les producteurs de sel semblent eux aussi enclin à collaborer. Le 2 mars, le président de l’Association marocaine de la production et de l’industrie du sel (AMPIS) Ali Amrani a par exemple proposer de réduire la quantité de sel dans les sachets utilisés par les boulangers. « Le boulanger traditionnel ne sait pas combien de grammes contient le sachet de sel qu’il met dans sa farine. On pourrait leur fournir des sachets spéciaux avec 200 ou 250 grammes de sel au lieu de 500 par exemple, mais avec du sel iodé », a expliqué l’industriel. Interrogé par Telquel.ma sur une baisse éventuelle du prix du sachet, Ali Amrani préfère rester flou : « Le sel n’a presque aucune valeur marchande au Maroc, le changement sera minime », en évoquant au contraire une hausse du prix, liée aux nouvelles normes imposées et qualités choisies. Une convention pourrait très prochainement être signée avec la FNBP. De son côté, l’Onssa (Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaire), représentée lors de la conférence, affirme être en train de travailler sur un projet de texte pour réglementer le secteur du pain, et pense à y intégrer une disposition relative au sel.

D’après Abdelfettah Derouiche, les producteurs de charcuterie accepteraient de réduire d’environ 15 % la teneur en sel de leurs produits. Mais de manière plus générale, tous les agro-industriels ne sont pas prêts. « Le sel entre dans la conservation du produit. La majorité des entreprises ne sauront pas par quoi le remplacer », signale un responsable de la Fenagri (Fédération nationale de l’agroalimentaire), qui réclame « un accompagnement financier de l’Etat ».

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