Le 20 février 2014, Abdellatif Hammouchi est convoqué par la justice française afin de témoigner dans le cadre d’une plainte déposée pour torture dans le centre de détention de Temara. Une convocation qui débouchera par la suspension, pendant environ un an, des accords de coopération judiciaire entre le Maroc et la France. Ralph Boussier, l’un des avocats défendant le Maroc (et Abdellatif Hammouchi) dans cette affaire s’est entretenu avec Telquel.ma.
Telquel.ma : A quel titre monsieur Hammouchi a-t-il été convoqué par la justice française ? Dans le cadre de quelle affaire ?
Ralph Boussier : A priori, je n’ai pas accès au dossier, c’était une simple convocation pour être entendu comme témoin. Monsieur Hammouchi devait témoigner suite à la plainte déposée par Adil Lamtalsi (ce dernier a déposé plainte contre Abdellatif Hammouchi en tant que « donneur d’ordre » dans une affaire de torture). Il n’a été convoqué que dans le cadre de cette affaire.
Pourquoi cette convocation a-t-elle été faite à la résidence de l’ambassadeur du Maroc en France ? Est-ce légal ?
Les forces de l’ordre peuvent apporter une convocation, rien ne les empêche de le faire. Mais les autorités marocaines doivent en être informées. En effet, la il faut envoyer la convocation au ministère des Affaires étrangères français, qui transmet aux Affaires étrangères marocaines qui transmet finalement au ministère de la Justice marocaine qui est donc notifiée de la demande de convocation du citoyen marocain. Cette démarche se fait à titre purement informatif.
Pourquoi ne pas avoir convoqué Abdellatif Hammouchi sur son lieu de séjour en France ?
L’information, fausse, qui a été communiquée au juge d’instruction était que monsieur Hammouchi était à la résidence de l’ambassadeur. Le juge d’instruction ne s’est pas vu préciser que l’adresse ou la convocation devait être effectuée correspondait à celle de la résidence de l’ambassadeur. Si le juge d’instruction avait su qu’il s’agissait de la résidence de l’ambassadeur, il n’aurait jamais diligenté la procédure de cette manière-là.
Habituellement, certains responsables peuvent obtenir une immunité temporaire pour certains évènements. N’était-ce pas le cas d’Abdellatif Hammouchi, qui participait à une réunion d’un groupe du G4 (Maroc, France, Espagne, Portugal) portant sur la sécurité ?
Je ne peux pas en parler car seuls le Quai d’Orsay et les ministères de l’Intérieur français et marocain sont au courant. Mais, en tout état de cause, il [Abdellatif Hammouchi] n’était pas sur le territoire, ce qui est un détail important. N’étant pas sur le territoire, le juge d’instruction n’était pas compétent. L’astuce de la partie civile était de faire croire qu’il était sur le territoire pour avoir un rattachement de compétence universelle du juge d’instruction. Or ce n’était pas le cas.
Y-a-t-il une quelconque preuve de l’implication directe ou indirecte de monsieur Hammouchi dans le cadre de ces affaires ?
C’est tout le problème. Il n’y a aucune preuve. C’était une affirmation (de la partie plaignante, ndlr). On voulait faire témoigner monsieur Hammouchi, qui ne pouvait rien dire puisqu’il n’est témoin de rien.
A votre connaissance, est-ce qu’Abdellatif Hammouchi est impliqué dans ce dossier ou n’importe quel autre dossier devant la justice française ?
Je ne connais pas d’autres affaires visant monsieur Hammouchi. J’ai régularisé une plainte au nom de monsieur le ministre de l’Intérieur du royaume du Maroc, qui est une citation directe en diffamation contre monsieur [Zakaria] Moumni qui a fait des affirmations contre monsieur Hammouchi. Mais je n’en connais pas d’autres. A priori, puisqu’il n’y a pas de rattachement de la compétence universelle, les magistrats instructeurs ou le procureur de la République se sont rendus compte qu’il n’était pas possible de le poursuivre en l’état. Ils ont préféré transmettre le dossier en disant « On s’arrête la ».
En vertu des nouveaux accords de coopération judiciaire signés entre le Maroc et la France, cette plainte pourrait-elle être transférée au Maroc ?
Bien sûr. L’essentiel, que cela soit avant ou après le futur texte, c’est l’efficacité de la justice française et l’efficacité de la justice marocaine. C’est logique que ce soit la justice disposant du plus de moyens qui se saisisse de cette affaire.
L’affaire opposant messieurs Lamtalsi et Hammouchi est-elle close ?
A priori, même si monsieur Hammouchi n’a pas été entendu, on a tous compris que Monsieur Hammouchi n’était témoin de rien. Si nous l’avons compris, les magistrats le comprennent aussi.
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