Rarement un film marocain n’a suscité autant de réactions que Much Loved du réalisateur Nabil Ayouch. Tout le monde, ou presque, a un avis sur ce film, en se basant sur quelques extraits ou des versions piratées qui circulent sur le web. Or ces versions ne correspondent pas au film dans sa mouture finale, projetée au Festival de Cannes. Elles sont des rushs sans montage, qui s’étalent sur plus de trois heures alors que la durée du film est d’une heure et demie. De nombreuses séquences tournées dans Much Loved n’ont pas été retenues au montage final, à l’image de quelques scènes de sexe, diffusées sur le net et qui ne figurent pas dans le film. Juger une œuvre cinématographique doit se faire sur la base du film dans sa version choisie et arrêtée par le réalisateur. Cette version définitive, Telquel.ma a pu la voir lors d’une projection privée.
Much Loved n’est certainement pas le meilleur film de Nabil Ayouch: il n’a pas la puissance dramatique de Ali Zaoua ni la limpidité des Chevaux de Dieu. Il est à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, la description d’un milieu qui suinte la misère et la violence et le regard tendre et compatissant jeté sur quatre personnages féminins. Après un an de recherche, et des entretiens menés avec plus de 200 prostituées, N. Ayouch a voulu transposer à l’écran, cet univers sombre, glauque et plein de drames. On retrouve alors une galerie de personnages d’une étonnante vraisemblance: Noha ( Loubna Abidar) une prostituée entretenant toute une famille et qui sent le poids de l’âge et du temps qui défile, mais aussi Hlima (excellente Sara Elmhamdi-Elalaoui) fille paumée et un peu niaise, qui tapine pour survivre. Le choix du langage cru, les scènes d’humiliation devant des clients saoudiens, les discussions grossières entre les prostituées ont pour ambition de reproduire, d’une manière réaliste, cet univers qui inspire fascination et répulsion. Sauf qu’à force de le répéter et y insister, le film tombe dans la redondance et les longueurs parfois inutiles. Néanmoins, Much Loved réussit à décrire les différentes couches de la réalité de ces femmes qui choisissent la prostitution comme métier. Leur vie est une succession de masques à porter et alterner: elles sont des professionnelles du sexe contraintes de simuler, feindre, faire semblant d’aimer leurs clients et apprécier leur compagnie ; elles font aussi partie d’une longue chaine de prédation et d’exploitation qu’il faut entretenir pour exister ; mais elles sont aussi des femmes qui ont besoin d’amour et d’affection. Ce sont les moments de réconfort mutuel et de solidarité entre les quatre personnages qui nourrissent l’émotion qui traverse Much Loved. On regrette néanmoins que le film se concentre beaucoup plus sur les quatre filles et oublie de développer des personnages secondaires, pourtant intéressants. Ainsi, on aurait aimé voir un peu plus et connaître davantage sur Said ( Abdellah Didane) discret et mutique chauffeur de taxi et ange gardien des quatre filles, ou encore sur l’officier de police, véreux et brutal, incarné par le talentueux Amine Naji. Bien que ce ne soit pas la mission et la vocation du cinéma, mais Much Loved peut contribuer à ouvrir un débat sur la prostitution et son ampleur au Maroc. Mais pour cela, il faut voir le film, comme il a été fait et fixé définitivement par son réalisateur, et se faire sa propre idée sur l’œuvre et son objet.
Lire aussi : «Much loved»: les réseaux sociaux à l’origine de la censure?
Une lettrée anonyme ! Mais quel courage !!! « A en croire ta critique cette dernière est aussi inaboutie que son objet » : cette phrase n’a qu’un mérite : ne pas comporter de fautes d’orthographe ! Néanmoins elle n’a aucun sens en français !!