Préparatifs de ramadan, le gouvernement surfe sur la conjoncture

Le ministère des Affaires générales puis le ministère de l’Intérieur affirment chaque semaine que « toutes les mesures sont prises pour assurer le bon approvisionnement pendant ramadan ». Y sont-ils pour quelque chose ?

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L'effervescence des marchés pendant le mois sacré devra cette année s'accommoder des mesures de distanciations sociales. Crédit: Yassine Toumi/TelQuel

Sacré ramdam autour des préparatifs du mois de ramadan. Depuis l’annonce le 19 mai de Mohammed El Ouafa, ministre chargé des affaires générales, affirmant que « le gouvernement a pris toutes les mesures nécessaires pour assurer un bon approvisionnement du marché national en denrées alimentaires durant le mois sacré de Ramadan », le gouvernement multiplie les effets d’annonce.

Le 26 mai, c’est au tour du ministère de l’Intérieur, par la voix de son ministre délégué, Charki Draiss, de déclarer que « des instructions ont été données en vue de mobiliser les commissions locales de contrôle dans toutes les préfectures et provinces du Royaume […] afin de mener des actions sur le terrain et renforcer les mécanismes de veille nécessaires au déroulement normal des marchés et au suivi permanent de la situation d’approvisionnement ».

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Cette année, les soirs du mois de ramadan, le lait coulera-t-il à flots? Les prix pratiqués pendant le reste de l’année seront-ils maintenus? Et tout ça grâce à l’action du gouvernement?

« Un disque usé »

« C’est un disque usé, chaque année le gouvernement assure que toutes les mesures ont été prises », commente Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs. « Cette année, il n’y aura sans doute pas de problème d’approvisionnement, effectivement, mais c’est grâce à l’excellente campagne agricole, à la rigueur au Plan Maroc Vert», analyse le représentant des consommateurs qui est aussi vétérinaire.  Au-delà de l’approvisionnement, il regrette que le gouvernement n’ait pas entendu le discours des associations de consommateurs sur d’autres problématiques : « Depuis quelques années, le ramadan tombe pendant une période chaude. Chaque année pourtant, on voit des produits frais exposés au soleil à tous les coins de rue, défiant les règles sanitaires les plus élémentaires. C’est l’anarchie sur les marchés. »

L’informel y est pour beaucoup, car ramadan est aussi le mois de la mutation professionnelle. « Les garagistes deviennent fabriquant de gâteaux traditionnels, au détriment de la qualité des produits et encourageant la fraude fiscale. » Mais les consommateurs ont leur part de responsabilité. « Ce sont eux qui entretiennent l’économie informelle. Nous avons obtenu du gouvernement une campagne de sensibilisation des consommateurs, mais il faudrait que cette campagne ait lieu toute l’année. » Bouazza Kherrati attire enfin l’attention des consommateurs sur le gaspillage, particulièrement flagrant pendant ramadan: « Une consommation responsable participe au bon approvisionnement de tous, à la santé des consommateurs, et à l’équilibre de l’économie. »

Hamdoullah

De l’aveu même de Mohamed El Ouafa : « effectivement, nous n’avons pas eu à prendre de mesure particulière cette année, parce que la situation agricole est bonne. On a dix mois de concentré de tomates en stock. On ne devrait pas en manquer (rires). » Le ministre assure qu’il n’y aura pas de problèmes avec le lait non plus, contrairement à l’an dernier où il avait fallu lever les droits de douane à l’importation de lait en poudre. Idem pour le poisson. La grève des pêcheurs est terminée et les prix sont de retour à la normale. El Ouafa se défend : « On ne va quand même pas reprocher au gouvernement que la conjoncture soit favorable ! » Interrogé sur d’éventuelles mesures prises pour palier à la hausse des déchets domestiques durant le mois sacré, le ministre s’exclame : « Mais c’est aux communes de gérer le ramassage des déchets ! Sous prétexte que l’on jeune, le gouvernement ne va pas se mettre à tout réguler ! Le mois de ramadan est un mois normal, il y a simplement une demande plus forte sur certains produits. »

Deux réunions par semaine

Tout va bien donc. Une commission interministérielle veille au grain. Toute l’année, elle se réunit une fois par mois pour veiller au bon fonctionnement des marchés nationaux, au suivi de l’approvisionnement, aux prix pratiqués et à la qualité. Durant le mois de ramadan, la commission se réunit deux fois par semaine, le mardi et le jeudi, et regroupe les ministères des affaires générales, de l’intérieur, de l’économie et des finances, de l’agriculture et du commerce. Avec l’accélération des réunions, il faut aussi s’attendre à une accélération des effets d’annonce.

 

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