A Yarmouk, les membres de Daech jouent au ballon avec des têtes coupées

En Syrie, les têtes coupées par l'Etat islamique font fuir les Palestiniens du camp de Yarmouk, près de Damas.

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Des réfugiés palestiniens, qui ont fui le camp de Yarmouk, sont réunis dans une école de Damas.
Des réfugiés palestiniens, qui ont fui le camp de Yarmouk, sont réunis dans une école de Damas. Crédit: AFP/ Youssef Karwashan

Il a supporté deux ans de famine et des combats, mais quand le groupe jihadiste Etat islamique a pénétré dans le camp palestinien de Yarmouk, à Damas, coupant la tête à des habitants, Ibrahim Abdel Fatah a fui sans se retourner.

Pâle et hâve, le visage mangé par une barbe récente, portant pour uniques affaires deux chemises et une veste, il a trouvé refuge samedi 4 avril avec sa femme et ses sept enfants à l’école Zeinab al-Haliyé, à Tadamoun, un quartier du sud-est de la capitale tenu par l’armée syrienne.

« J’ai vu des têtes coupées. Ils tuaient les enfants avant les adultes. Nous étions effrayés. Nous avions entendu parler de leur cruauté à la télévision mais quand nous les avons vus, je peux vous assurer que leur réputation n’est pas usurpée », assure cet homme de 55 ans assis sur un banc. L’école accueille 98 personnes, dont 40 enfants, dans trois salles de classe, dont les élèves ont été évacués temporairement. Sur le sol, outre des galons d’eau, gisent des matelas et des couvertures.

« J’ai quitté ma maison qui était mon seul bien et je survivais avec ma famille grâce aux rations distribuées par l’Unrwa (Agence des Nations unies chargée des réfugiés palestiniens) », ajoute cet ancien concierge.

Selon un responsable de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) à Damas, Anouar Abdel Hadi, 500 familles, soit environ 2 500 personnes, ont fui le camp de Yarmouk, qui en comptait 18 000 avant l’assaut lancé mercredi 1er avril par l’EI. Ils ont été dispatchés dans plusieurs quartiers et localités avoisinantes sous le contrôle du régime.

Fin décembre 2012, le camp, situé à huit kilomètres du centre de la capitale, était devenu un champ de bataille entre forces pro et anti régime avant d’être soumis à un siège impitoyable de la part de l’armée. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), près de 200 personnes sont alors mortes de malnutrition et d’absence de médicaments.

« Pas humain »

« J’ai vu, rue de Palestine, deux membres de Daech (acronyme en arabe de l’EI) jouer avec une tête coupée comme si c’était un ballon », assure Amjad Yaacoub, 16 ans. Casquette vissée sur le côté comme les rappeurs, blouson à carreaux gris et blancs, il a un œil tuméfié et le menton gonflé. « Daesh est entré chez moi pour se venger de mon frère qui appartient aux Comités populaires palestiniens. Ils m’ont frappé jusqu’à ce que je m’évanouisse et m’ont laissé pour mort », dit-il.

A l’entrée de l’école, désœuvrée, Oum Ousamma, 40 ans, discute avec d’autres réfugiées. « Je suis sortie du camp malgré moi. J’y étais restée en dépit des bombardements et de la famine. C’était terrible, on mangeait des  herbes, mais j’étais chez moi », assure cette femme qui vivait à Yarmouk depuis 17 ans.

« Avant, les rebelles mettaient les civils à l’abri »

« L’entrée de Daech est en soi une destruction et un massacre. Leur comportement n’est pas humain et leur religion n’est pas la nôtre », dit cette femme maigre aux yeux cernés, un bonnet bleu marine enfoncé sur la tête. Les hommes sont allongés sur les matelas. Les femmes, en petits groupes, fument des cigarettes et boivent des jus de fruits alors que les enfants  courent dans la salle.

« Tout a changé avec l’arrivée de l’EI. La peur de la mort n’existait pas auparavant car durant les combats dans le camp, les rebelles mettaient les civils à l’abri », assure Abir, âgée de 47 ans et née à Yarmouk.

Aucun Palestinien n’a eu le temps de prendre ses valises tant le départ a été précipité. « Je suis sortie sans pouvoir emmener d’affaires. Mon mari n’a pu me rejoindre. Je marchais en rasant les murs pour éviter les tireurs embusqués », confie Nadia, 19 ans, qui allaite son bébé de deux mois.

Le Conseil de sécurité de l’ONU demande l’évacuation du camp

Devant l’ampleur du drame humanitaire, le Conseil de sécurité de l’ONU a réclamé lundi 6 avril un accès des agences humanitaires aux milliers de Palestiniens bloqués dans le camp de Yarmouk, pour une évacuation en toute sécurité. «Nous appelons à protéger les civils dans le camp, à assurer un accès humanitaire à cette zone pour fournir une aide vitale» aux Palestiniens assiégés, a déclaré la présidente du Conseil, l’ambassadrice jordanienne Dina Kawar, à l’issue de consultations à huis clos. Elle a plaidé notamment pour «un passage sécurisé et une évacuation des civils».

Les 15 pays membres du Conseil sont prêts «à envisager les mesures supplémentaires qui pourraient être prises afin de fournir la protection et l’assistance nécessaires» aux Palestiniens de Yarmouk, a ajouté l’ambassadrice, sans donner de précisions. Les membres du Conseil «ont condamné le plus fermement possible les graves crimes commis» à Yarmouk par l’EI et le Front al-Nosra, et ont souligné la nécessité de punir ces crimes, a souligné l’ambassadrice.

L’EI a lancé la semaine dernière une offensive sur le camp, avec l’aide de jihadistes du Front al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Ils en contrôlent désormais une grande partie mais, dans le même temps, l’armée syrienne a renforcé son siège autour de Yarmouk et mène des raids aériens réguliers sur le camp.

Rim Haddad pour l’AFP

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