Psychologie: l'absence de réglementation favorise les charlatans

Les psychologues militent pour la règlementation de leur profession afin de se différencier des charlatans et d'exercer plus facilement à l’hôpital.

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Un psychologue écoute son client allongé sur un divan
Scène du film « Passage à l'acte », de Francis Girod (1996).

« Pour ouvrir un institut de beauté, il faut avoir un diplôme de coiffeuse mais apparemment tout le monde peut se prétendre psychologue, même les analphabètes », exagère − à peine − Mounia Naït Sibaha, fraîchement diplômée de l’École supérieure de psychologie. Il est vrai que la profession de psychologue n’est pas règlementée. Ce que Fatima Boutbib, neuropsychologue, qualifie de « flou artistique » est gênant pour les professionnels, mais surtout pour les patients. Elle évoque notamment des cas de suicides causés, d’après elle, par des consultations chez des charlatans. « J’ai reçu plusieurs emails de femmes m’expliquant que leur psy couchait avec elles et instaurait un abus de pouvoir », accuse encore Ghizlaine Ziad, psychologue clinicienne.

Concrètement, pour pouvoir ouvrir un cabinet, il faut demander une autorisation auprès du secrétariat général au gouvernement. Les agréments sont parfois très longs à obtenir, et il arrive qu’ils soient refusés, lorsque les personnes ont un diplôme d’une école non reconnue.

Mais certains n’hésitent pas à prendre une patente et à poser leur plaque sans autorisation. « S’il fallait le diplôme pour ouvrir une patente, d’accord, mais ce n’est même pas le cas », s’inquiète Mounia Naitsibaha. Le patient peut donc se retrouver à consulter un charlatan.

Une profession qui manque à l’hôpital public

En plus des risques pour les patients, cette absence de règlementation est l’un des obstacles pour les personnes dotées d’un diplôme de psychologue clinicien qui désirent travailler dans le public, à l’hôpital, dans les prisons ou les écoles. Fatima Boutbib, qui a exercé 17 ans à l’hôpital, nous l’explique : « Les psychologues sont recrutés en tant qu’administrateurs. Il n’y a pas de reconnaissance ».

Pourtant, il y a un réel besoin : « Je n’en ai pas dans mon service mais j’aimerais bien. Nous avons besoin de ces gens-là parce que nous sommes débordés par certaines pathologies. Il y a un besoin parce que la prise en charge du patient ne se résume pas à la prise en charge thérapeutique », nous explique docteur Youssef Mohi, psychiatre à l’hôpital de Berrechid.

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D’après Assia Akesbi Msefer, psychologue présidente de l’École supérieure de psychologie, le faible nombre de psychologues à l’hôpital s’explique aussi par un manque de budget, nous précisant que certains exercent alors à titre bénévole. Mais pour Youssef Mohi, le problème vient surtout du recrutement. En effet, d’après lui, il n’y a pas beaucoup d’offres de psychologues non plus, étant donné que « les psychologues cliniciens n’ont pas intérêt à travailler dans l’hôpital public ».

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Une loi pour bientôt ?

Concrètement, dans les écoles, les psychologues peuvent réaliser des bilans cognitifs ou intervenir lorsque les enfants n’arrivent pas à s’intégrer. Mais ils sont peu nombreux. Pourtant, Mounia Naït Sibaha en est sûre : « Il y a beaucoup de violence dans les écoles publiques, la présence de psychologue serait très bénéfique. » Dans les associations, ils peuvent intervenir auprès des enfants trisomiques par exemple. Dans son cabinet, Ghizlaine Ziad reçoit surtout des femmes (« Elles se retrouvent étouffées par le boulot, le mari, la famille… »), mais aussi des hommes « parce qu’ils n’arrivent pas à gérer leur colère », et des enfants, que les parents envoient à cause de leurs résultats scolaires.

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Beaucoup de psys suivent leurs études à l’étranger et font une demande d’homologation. Au Maroc, les personnes peuvent suivre la voie universitaire, en suivant une licence de psychologie puis un master professionnalisant de psychologie clinicienne. D’autres choisissent le privé, mais les écoles ne sont pas toutes reconnues.

« Dans toutes les professions il y a d’abord eu la pratique et les personnes n’ont pas attendu pour exercer, cela a été le cas pour les experts comptables, les notaires… », relativise Assia Akesbi Msefer, qui nous explique quand même que les professionnels sont en train d’élaborer une proposition de statut. « On ne vas pas tarder à la déposer auprès du SGG », nous explique Fatima Boutbib. Le but étant surtout de mettre fin à ce manque de transparence sur la profession.

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