Alors que le salon Preventica, congrès international pour la maîtrise des risques, ouvre le 17 mars à Casablanca, retour sur la question du mal-être au travail. Fatigue, dépression, voire suicide : il peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale des salariés. A l’origine de ce mal-être, le stress, que la pression des objectifs professionnels a tendance à créer, comme l’explique Omar Benaïcha, président de l’Association de la qualité et du management :
Le stress naît notamment d’engagements que l’on arrive pas à tenir.
Concrètement, d’après lui, le stress au travail provient la plupart du temps de problèmes organisationnels, comme le manque de précision dans la définition des tâches par exemple. Un constat partagé par Nawal Akkal, psychologue : « Les premiers facteurs de stress sont liés à l’organisation : environnement du travail qui manque d’ergonomie, surcharge de travail, climat difficile avec ses collègues, manque de marge de manœuvre… », nous décrit-elle.
Un manque de reconnaissance face à une hiérarchie pesante
Un manque organisationnel dont n’ont pas forcément conscience les responsables des ressources humaines, à en croire une enquête réalisée par l’assureur Malakoff Médéric en 2012 au Maroc. A la question « quels sont d’après vous les leviers du bien être au travail ? », la plupart place d’abord l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle, la reconnaissance du travail, les perspectives d’évolution et la protection sociale, avant l’organisation du travail.
Aussi, Nawal Akkal nous explique que les patients qu’elle reçoit sont souvent en situation de mal-être parce qu’ils n’arrivent pas à donner un sens à leur travail et leur investissement dans l’entreprise. Autre facteur de stress, qui opère peut-être particulièrement au Maroc : le manque de reconnaissance. « On ne dit pas assez merci aux salariés. Cela est peut-être lié à l’éducation des enfants, on les réprimande beaucoup. Si nous ne sommes pas félicités enfants, pourquoi on féliciterait les autres une fois adulte ? », déplore Omar Benaïcha. Le poids de la hiérarchie est aussi très important : « Nous avons l’habitude d’une gestion autocratique. Notre société est parfois un peu conservatrice, l’influence tribale dans certaines régions persiste encore », perçoit celui qui est aussi le directeur général du cabinet d’audit Bureau Veritas Maroc.
La famille et la religion comme rempart ?
On parle de plus en plus de burn-out (épuisement professionnel, en français). Mais s’agit-il d’un phénomène de plus en plus fréquent ou bien d’un problème très ancien dont on parle plus à présent ? Difficile à déterminer, surtout qu’il n’existe pas encore de statistiques nationales sur le sujet. « La gestion des ressources humaines n’est apparue de façon très remarquée dans les entreprises qu’à partir des années 1990. Donc il est normal qu’avec ces nouveaux outils, ce type de question arrive sur la table », estime Omar Benaïcha, qui insiste sur le fait que le stress a envahi la vie en général, l’ensemble de notre environnement (le trafic dans les villes, la garde des enfants…).
Mais pour lui, il faut relativiser le problème du mal-être au travail : « Je ne pense pas que ce problème ait une ampleur aussi importante qu’en France parce que nous avons des valeurs comme la famille et la religion qui permettent de compenser cette pression ». Et d’ajouter : « Nous n’avons pas au Maroc un modèle de production où l’on pressurise les salariés comme des citrons ».
La veille du manager
Mais ce mal-être au travail guette, et avec lui ses conséquences sur la santé mentale des salariés. L’organisation internationale du travail (OIT) a d’ailleurs publié un guide listant les points de contrôle pour prévenir le stress au travail. Car ce mal-être a des conséquences sur la compétitivité de l’entreprise. Il s’agit d’ailleurs d’un des premiers arguments mis en avant par les responsables de ressources humaines à la question « pour quelle raison le bien être au travail est-il important ? ». Nawal Akkal nous donne l’exemple des personnes en contact avec les clients :
Nous sommes dans une société de service, donc il faut posséder des compétences relationnelles. Mais parfois, la personne est tellement poussée à l’usure, tellement fatiguée, qu’elle ne trouve plus les ressources en elle pour s’adapter et n’a même plus les compétences situationnelles.
Le manager a un grand rôle à jouer : « Pour éviter qu’une telle situation arrive, le manager doit bien définir ce qu’il attend du salarié. Le chevauchement des responsabilités créée de la confusion et de la frustration », explique Omar Benaïcha, qui conseille également d’assurer une veille pour prendre conscience du mal-être le plus tôt possible : « Quand on sombre dans le stress, cela ne vient pas d’un coup donc il faut une gestion de proximité, et que le manager soit doté d’une intelligence émotionnelle ».
Face au déni : coachs et psys
Mais là aussi, il y a de grands progrès à faire : « Ce n’est pas dans la culture, ni en France [où elle exerce], ni au Maroc d’avouer qu’on est en souffrance », nous explique Nawal Akkal. « Parfois les DRH repèrent ces personnes-là, les rencontrent, mais voient bien qu’elles n’osent pas en parler et sont dans le déni. Dans notre culture de la performance, être mal voudrait dire que l’on est faible, un loser ».
Pour que le bureau ne se résume pas à un lieu de stress, Omar Benaïcha conseille aussi d’y organiser des événements : « Il ne faut pas faire que du boulot dans l’entreprise », en donnant l’exemple de fêtes d’anniversaire, de ftour collectifs… Aussi, les entreprises peuvent faire appel à des coachs ou des psychologues. Le cas échéant, ces derniers alertent les médecins du travail, qui prennent alors en charge le salarié.
Dans les jours à venir, deux événements consécutifs vont traiter de cette question.
Conférence – débat : Pourquoi et comment développer la qualité de vie au travail, le 26 mars à 19h.
Le congrès international pour la maîtrise des risques, Preventica les 17, 18 et 19 mars, sur la santé et la sécurité au travail.
Centre international des conférences et expositions, route d’El Jadida, Casablanca.
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