« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». Cette citation de l’écrivaine anglaise Evelyn Hall résume bien la position de nombreux journaux anglo-saxons au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo. Dans les heures qui ont suivi la tuerie, des journalistes et éditorialistes anglais et américains ont condamné de manière virulente la ligne éditoriale de l’hebdomadaire satirique. La plupart des médias anglophones (The New-York Times, CNN, Associated Press) ont décidé de flouter les caricatures de Charlie Hebdo lors de la couverture de l’événement. The Washington Post fait partie des rares exceptions.
Et pour certains éditorialistes, l’hebdomadaire français était provocateur et raciste. The New-Yorker estime que le journal n’était critique qu’envers la religion musulmane : « Ces dernières années, le magazine est tombé spécifiquement dans les provocations racistes et islamophobes ». Et d’ajouter :
Les caricaturistes de Charlie Hebdo n’étaient pas de simple perturbateurs, pas de simples martyrs du droit à l’offense : ils étaient des idéologues.
L’auteur de l’article se demande si les victimes de la tuerie méritent plus une commémorations que d’autres. Plus nuancé, le site d’information américain Slate titre « Charlie Hebdo Is Heroic and Racist » avant de qualifier l’hebdomadaire d’ « immature ».
« Irresponsabilité éditoriale »
Pour le quotidien britannique The Guardian, la liberté d’expression a toujours des limites, même en France, mais tout le monde ne place pas le curseur au même endroit. L’éditorialiste écrit à demi mot que la presse française ne peut pas tenir de propos offensants envers les Juifs mais qu’à l’inverse, elle peut allègrement se moquer de l’islam :
En 2005 Le Monde a été condamné pour ‘ racisme et diffamation’ contre Israël et les Juifs (…) La liberté d’expression est toujours contingente. Toutes les sociétés placent des lignes à ne pas franchir qui sont mal définies (…) la question est de savoir si ces lignes comptent pour les musulmans aussi.
Son confrère The Financial Times a quant à lui critiqué de manière très virulente l’hebdomadaire attaqué… avant de se rétracter. Dans un édito, le journaliste évoque ce qu’il considère relever de l’« irresponsabilité éditoriale ». Cette phrase, très critiquée par les lecteurs, a rapidement été supprimée du texte. La nouvelle version garde cependant :
Le bon sens serait utile dans des publications telles que Charlie Hebdo, ou le journal danois Jyllands-Posten [qui a également publié des caricatures de Mahomet], qui prétendent remporter une victoire pour la liberté en provoquant des musulmans.
Dans la version originale, ce passage se concluait par « alors qu’en réalité ils sont seulement stupides.»
Une liberté d’expression absolue mais à manier avec précaution
L’idée que l’on retrouve dans beaucoup des journaux est que la liberté d’expression existe mais qu’elle doit être minutieusement utilisée et respecter les croyants. Le site d’information américain Vox écrit par exemple :
La liberté d’expression est un droit mais la politesse est une vertu.
Certains journaux font toutefois exception. Le magazine américain NYmag a par exemple lancé un appel au blasphème. Jonathan Chaite y conclue un article par :
Le droit de blasphémer la religion est l’un des plus élémentaires exercices du libéralisme politique. L’un de ceux dont on ne peut pas défendre le droit sans défendre la pratique.
La citation au début de l’article n’est pas de Evelyn Hall mais de Voltaire. ^^