Le compte YouTube FARMAROC a publié ce vendredi 2 janvier un reportage de l’émission française 5 colonnes à la une, daté de janvier 1963, consacré au Maroc du nouveau roi Hassan II (il est arrivé sur le trône à peine deux ans auparavant), quelques semaines après le référendum plébiscitant la nouvelle constitution (7 décembre 1962). On y découvre, sur le ton désuet voire néo-colonialiste de la télévision française de l’époque, le roi, encore jeune, plaider pour un régime relativement ouvert, dans lequel l’opposition aura son mot à dire :
Toute cette atmosphère d’équivoque va enfin disparaître car il y aura une lice (terrain clos, généralement destiné à des joutes ou exercices sportifs, ndlr) où alors tous les boxeurs pourront joueur un jeu loyal et devront affronter leurs idées et leurs plans, ce sera le parlement.
Le reportage présente Abderrahim Bouabid comme le leader de l’opposition (il était alors membre du secrétariat général de l’Union nationale des forces populaires). On y entend l’opposant revenir sur les raisons de son rejet de la nouvelle constitution, reprochant au roi de mettre en place une simple « démocratie consultative », et, déclarant même : « Rien ne prouve que je vais exister longtemps ».
Car la constitution sauvegarde les prérogatives du roi et lui attribue un rôle dominant, les partis politiques ne faisant que « participer à l’organisation et à la représentation des citoyens ». De plus, le reportage ne fait que mentionner en passant, que quelques jours plus tôt, trois ministres du parti de l’Istiqlal, ont démissionné pour protester contre l’omnipotence du chef de cabinet royal.
Enfin, à partir de juillet 1963, après le succès électoral de l’opposition (UNFP et Istiqlal) en mai, la répression se durcit à l’encontre du parti de gauche : 5 000 de ses militants son arrêtés, suite « à un complot déjoué contre le roi ».
C’était d’un roi moderne aux idées progressistes que le Maroc indépendant hérita en la personne de Hassan II. Cependant, Hassan II le roi n’a pas hérité d’un Maroc à son image. Il s’était retrouvé avec une population au mode de vie quasi médiéval et une classe politique bourgeoise des villes qui ne pensait qu’au prestige international que le pouvoir lui aurait apporté. Alors, en passant de statut de prince à celui de roi, il a commis l’erreur de garder le reflexe naturel de tout jeune monarque; celui d’idéaliser le jeu politique et de croire que les politiciens de l’époque avaient la même vision du pays que la sienne. Il passera sa vie à parler de cette vision et à espérer qu’elle soit partagée par les classes politiques subséquentes. De toutes ses déclarations, discours et entretiens médiatiques, on ne peut que déceler cette ambition qu’il portait en lui de pousser le Maroc vers la modernité et une indépendance politique effective. Celle qui aurait permis aux dirigeants politiques marocains, de gauche comme de droite, d’avoir leurs marges de manœuvre respectives et d’exercer leurs fonctions dans un cadre politique avant tout national. Parce que le pays avait besoin de faits et gestes et non seulement d’idées toutes faites et importées de l’extérieur. Que ce soit de l’Est ou de l’Ouest, puisqu’on parle de la conjoncture internationale de l’époque.
Mais la droite comme la gauche trouvaient le roi partout présent parce que le peuple sensé constituer leurs bases ne jurait que par le jeune monarque qu’il trouvait être le seul garant d’un Maroc uni, stable et souverain. Aux yeux du peuple, la droite avait l’air trop bourgeoise et d’apparence arabisante; quant à la gauche, trop loin des préceptes religieux et loyale aux agendas d’un bloc socialiste jugé étranger et sans foi. Cette frustration de se sentir malaimés ou rejetés par la grande majorité de la population qu’ont eu les partis politiques a contribué à leurs tentatives de mettre les battons dans les roues (chacun à sa façon) au jeune roi. S’en est suivie une série d’événements et d’autres formes de trahison qui ont poussé Hassan II à perdre confiance en ses politiciens pour décider de revoir tout le système et enfin opter pour la méthode dure. La classe politique se faisant disqualifiée, la concentration des pouvoirs était devenue nécessaire pour entamer le processus de décolonisation des territoires marocains encore sous contrôle du dernier colon, l’Espagne. Parce qu’un échec de leur reprise, à cause des idéologies opposées des partis, aurait potentiellement fait perdre sa crédibilité au roi qui était le vrai Souverain aux yeux des marocains. Sachant les périodes de turbulences politiques successives et le degré d’animosité atteint, par moment, entre le palais et les partis politiques, ces derniers étaient toujours à la recherche d’alliés étrangers et oubliaient que les solutions des maux de la nation se trouvaient à l’intérieur même du pays. Ironie du sort, un demi siècle plus tard, les partis politiques marocains, je ne sais plus nombre exact, peinent encore à se faire accepter par la population en leur valeur de représentants servant les intérêts publiques et non personnels et claniques. C’est justement pour cette seule et unique raison que le roi devrait garder certains pouvoirs pour garantir l’équilibre voulu et attendu du peuple. Malheureusement, la politique politicienne continue encore à dominer la scène au Maroc!