Saisi par la Chambre des représentants le 16 décembre, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a présenté son avis sur le projet de loi n°86-14 sur la lutte contre le terrorisme. Celui-ci, adopté en conseil de gouvernement en septembre dernier vient modifier et compléter la législation existante, notamment en ce qui concerne le ralliement aux camps d’entraînement terroristes à l’étranger, afin de répondre au problème des centaines de Marocains partis combattre pour Daech ou d’autres groupes terroristes en Syrie et Irak.
Un projet de loi qui vient compléter un texte déjà critiqué
Avant de livrer ses recommandations, le CNDH pointe d’ailleurs la loi antiterroriste n°03-03, promulguée au lendemain des attentats de 2003, et rappelle que cette dernière a été critiquée par plusieurs institutions internationales, notamment le Comité contre la torture et le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU. Les critiques concernent, faut-il le rappeler, les gardes à vue trop longues (96 heures renouvelables deux fois) et sans que les personnes interrogées puissent être assistées d’un avocat, et surtout, « la définition vague du crime de terrorisme », comme dans ce rapport du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
Des définitions trop vagues
Une imprécision que l’on retrouve encore, selon le conseil, dans plusieurs articles du nouveau projet de loi. En se basant sur les multiples recommandations de l’ONU, ainsi que les conventions et traités sur les droits de l’Homme ratifiés par le Maroc, mais aussi sur les législations antiterroristes de 5 « pays démocratiques avancés » en Europe, préconise de « définir le plus étroitement possible les éléments constitutifs des infractions terroristes ».
Ainsi, le CNDH explique que le premier article du texte ne fait pas la distinction entre les groupes criminels (dont l’objectif est le profit) et les groupes terroristes, rappelant que selon un rapport de l’ONU, les infractions terroristes doivent avoir pour objet « de semer la terreur, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire ».
Endoctrinement n’est pas terrorisme
De même, alors que le texte punit de 5 à 15 ans de réclusion « le fait de recevoir ou de tenter de recevoir un entraînement » pour le terrorisme, le conseil propose de mieux définir cet entraînement.
Pour tomber sous le coup de la loi, le conseil estime que l’entraînement en question doit inclure « la fabrication ou l’utilisation d’explosifs, d’armes à feu ou d’autres armes ou substances nocives ou dangereuses » mais aussi l’enseignement de « techniques spécifiques en vue de commettre une infraction terroriste ». Pas question pour le CNDH d’interdire à un Marocain de se rendre sur un site où ont lieu des formations − ou endoctrinements − purement idéologiques, au nom du droit à circuler librement garanti par l’article 24 de la Constitution.
L’infraction « d’apologie du terrorisme » dénoncée
Autre imprécision dénoncée par le CNDH, celle de l’infraction « d’apologie du terrorisme », dont est accusée le journaliste Ali Anouzla pour avoir publié un article qui contenait un lien vers une vidéo d’Aqmi. Le Conseil se dit « préoccupé » parce que ce projet de loi élargit « la portée du crime d’apologie en y ajoutant d’autres synonymes (propagande, promotion) » alors que la définition déjà large de cette infraction a été critiquée « régulièrement par les organes des traités et les titulaires des mandats au titre des procédures spéciales ».
Pour le CNDH, il s’agit donc de remplacer les termes « apologie », « propagande » et « promotion » en s’inspirant de la formule « provocation publique à commettre une infraction terroriste » du Conseil européen. Et encore, ce dernier précise qu’il faut « qu’un tel comportement, qu’il préconise directement ou non la commission d’infractions terroristes, crée un danger qu’une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises ».
Délits, crimes, et peines alternatives
Enfin, le CNDH conseille aux parlementaires (qui doivent discuter et voter le texte) d’établir des peines plus proportionnelles selon le crime, mais aussi d’établir une fourchette plus réduite « afin de mieux cadrer le pouvoir discrétionnaire du juge pénal ». Et d’éviter des peines trop différentes pour le même crime.
D’ailleurs, le conseil leur demande aussi « d’étudier la possibilité » de faire de la tentative de rejoindre des groupes terroristes un délit (puisque une tentative n’est pas aboutie) au lieu d’un crime. Et de prévoir des peines alternatives et des mesures de contrôle judiciaire (comme le bracelet électronique) pour sanctionner la tentative de rejoindre des groupes terroristes et/ou de suivre un entraînement pour le terrorisme.
Enfin, une fois n’est pas coutume, le CNDH recommande de renforcer la législation interdisant et incriminant « expressément le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans des hostilités » par des groupes armés, ou leur utilisation aux fins de participation active à des hostilités.
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