Poser avec un verre de vin à la main constitue t-il une faute grave et un motif de licenciement ? C’est en tous ce que semble avoir pensé le directeur du lycée Abou Bakr Seddik de Youssoufia, à Rabat. Il a demandé à la délégation de l’enseignement de mener une enquête sur Mina Bouchkioua, professeure de philosophie, lui reprochant des photos publiées sur Facebook. Sur la page, aucune photo ne semble choquante mais ce serait une photo de l’enseignante un verre de vin rouge à la main qui l’a heurté.
Une chose est sûre: le 15 décembre, sa mutation a été signalée à l’enseignante, sans en préciser les raisons. La lettre de la délégation lui signale que sa mission de professeure de philosophie (qu’elle assurait depuis sept ans) s’arrêtait et qu’elle était affectée à son poste initial : celui d’enseignante de français et arabe en école primaire. Une fonction qu’elle n’a pourtant jamais assurée.
« Incitation à la débauche »
Mais tout porte à croire que ce sont bien les publications de l’enseignante sur Facebook qui expliquent cette décision. Quelques jours avant sa mutation, l’enseignante a été convoquée par une « mystérieuse » commission qui a également évoqué ces publications. Mina Bouchkioua raconte à Telquel.ma : « Un jour il y a eu du chahut dans ma classe, les forces de l’ordre qui étaient autour du lycée sont intervenues. Le surlendemain j’ai été convoqué par une commission. Ces personnes n’ont pas donné leur identité, elles m’ont demandé ce qu’il s’était passé dans ma classe ce jour-là et m’ont ensuite présenté des photocopies de mes publications Facebook, en expliquant que j’incitais mes élèves à la débauche ».
Sur le profil Facebook de Mina Bouchkioua, on trouve des posts évoquant ouvertement la sexualité, le corps et l’alcool.
Une sanction liée son engagement politique ?
Bien entendu, l’enseignante, militante du mouvement du 20 février, critique cette décision. C’est d’ailleurs elle qui a fait le choix de faire part de l’affaire. Sur sa page Facebook, Mina Bouchkioua explique que ses photos ne remettent pas en question son professionnalisme, bien qu’elle admette avoir des élèves parmi ses contacts.
Aussi, elle critique la manière dont la décision a été prise. Elle explique notamment que l’inspecteur de philosophie qui est venu lors de ses cours et qui voulait la soutenir n’a pas été entendu par la délégation de l’enseignement. D’après la professeure, l’institution « s’est contentée d’un rapport diffamatoire du directeur du lycée et d’une commission suspecte à l’identité floue et aux questions policières qui se sont concentrées sur la manière dont j’écrivais sur Facebook ».
Elle regrette sa mutation car selon elle cela revient à « sanctionner des élèves innocents », qui ont déjà suivi ses cours tout un trimestre. Elle voit clairement sa nouvelle affectation comme « une sorte de punition et pas comme un travail ».
Mina Bouchkiaoua s’en prend directement au directeur du lycée, qui selon elle « la haïssait à cause de son extrémisme religieux » et lui parlait de manière « condescendante ».
L’enseignante nous raconte spontanément qu’elle a déjà eu des différends avec un autre directeur de lycée en 2011, sous entendant que sa liberté de ton dérange. « C’est vrai que je n’ai pas ma langue dans ma poche. Vous savez, je suis militante du PSU et de l’AMDH. En 2011 le directeur m’a accusée d’inciter les élèves à manifester ». Elle ajoute : « il me reprochait de répandre l’athéisme à l’école et j’ai finalement été mutée ».
Cependant, Mina Bouchkioua n’évoque pas –pour le moment– d’action en justice mais nous confie vouloir demander un recours gracieux au ministère.
Sans commentaire.