Le gouvernement turc était vivement critiqué ce lundi 15 décembre dans la presse nationale, accusé de menacer la démocratie et la liberté d’expression au lendemain d’une série d’arrestations visant les médias opposés au régime du président Recep Tayyip Erdogan. Les arrestations de dimanche visaient principalement le quotidien Zaman et une télévision proche du prédicateur islamiste Fethullah Gulen, en exil aux Etats-Unis, ancien allié d’Erdogan devenu son pire ennemi.
La police a arrêté dimanche 27 personnes à Istanbul et dans plusieurs villes de Turquie, essentiellement des journalistes, dont Ekrem Dumanli, le rédacteur en chef de Zaman, et Hidayet Karaca, le directeur de la télévision güleniste Samanyolu TV (STV), ainsi qu’un producteur, un directeur et des journalistes de la chaîne de séries télévisées Tek Turkiye (One Turkey) diffusé par STV.
Un « syndicat du crime visant à attaquer la souveraineté de l’Etat«
Lundi matin, la télévision turque a annoncé que trois de ces derniers avaient été remis en liberté dans la nuit, mais que 24 personnes étaient toujours interrogées par la police d’Istanbul. Ils ont été arrêtés sur ordre du procureur Hadi Salihoglu et accusés de faux, de fabrication de preuves et d’avoir constitué un « syndicat du crime visant à attaquer la souveraineté de l’Etat« , selon l’agence gouvernementale Anatolie.
Plusieurs policiers ont également été arrêtés, dont Tufan Erguder et Mutlu Ekizoglu, respectivement chef du département anti-terroriste et chef du département du crime organisé de la police d’Istanbul.
Le quotidien Zaman titrait lundi matin, sur fond noir : « Journée noire pour la démocratie« . « Zaman mantiendra sans peur sa ligne pacifique pour la démocracie et la liberté« , assurait le journal, ajoutant que la Tuquie était « au bord du gouffre« .
Au sein de la presse pro-gouvernementale, Abdulkadir Selvi l’éditorialiste du quotidien Yeni Safak, s’offusquait lui aussi de ces arrestations. « Je dénonce vivement les arrestations de Ekrem Dumanli et de Hidayet Karaca. Je m’élève contre cette faute d’où qu’elle vienne« , écrit Selvi en opposition avec la ligne de sa rédaction qui estime que pour les opposants au président Erdogan il est « temps de rendre des comptes« .
Le quotidien Hurriyet considère dans un éditorial signé Ahmet Hakan que les arrestations de journalistes sont « un coup » assené à la démocratie et la liberté d’expression.
Le Premier ministre Ahmet Davutoglu affirmait lui dans le quotidien national Sabah que les suspects n’avaient pas été arrêtés pour « leurs activités de journalistes » et qu’une enquête judiciaire permettrait d’apporter des explications concernant les accusations portées contre eux.
Enfin, le principal intéressé, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’en est pris à l’Union européenne, qui a critiqué les arrestations massives en Turquie visant les médias opposés à son régime. « L’Union européenne ne peut pas interférer dans des mesures prises… dans le cadre légal, contre des éléments qui menacent notre sécurité nationale » a déclaré Erdogan, dont les propos, ses premiers après les arrestations de dimanche, ont été retransmis à la télévision. « Ils n’ont qu’à se mêler de leurs affaires« , a-t-il déclaré.
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