Si la bande dessinée au Maroc reste un art qui peine à s’imposer sur le marché littéraire – faute de productions -, plusieurs initiatives ont vu le jour depuis quelques années, usant des vignettes et des bulles comme moyen d’expression. Parmi elles, Skefkef, une bande-dessinée initiée par Open Taqafa, une plateforme qui milite pour la culture libre depuis 2012, et qui emprunte son nom aux fast-foods marocains populaires. Comme ces sandwiches savoureux mais à l’hygiène douteuse (« khanez ou bnine »), la bande dessinée revendique ce côté populaire en se concentrant sur les sujets qui font le plus réagir la société.
La satire pour dessiner la société
Dans son deuxième numéro, qui sort le 13 décembre prochain, un groupe de dessinateurs ont concocté 52 pages de bande dessinée décortiquant le code numérique annoncé plus tôt dans l’année avec un angle satirique, une touche d’humour bien prononcée et un regard cynique. « La thématique a été choisie en fonction du débat houleux sur la loi numérique. Nous avons donc décidé de parler de transition numérique entre la vie réelle et virtuelle », nous explique Salah Malouli, l’un des meneurs du projet. C’est ainsi que l’on peut découvrir, dès les premières pages, une table ronde évoquant révolution et sit-ins devant le parlement, qui n’est au final qu’une conversation sur Facebook que tout le monde finit par fermer pour revenir à la vie réelle. Skefkef évoque de nouveaux phénomènes de société, comme le militantisme virtuel, approche qui consiste à militer sur les réseaux sociaux. La BD dessine aussi le portrait de ces jeunes qui mènent une double vie sur Internet, et illustre le fossé qui peut exister entre le réel et le virtuel. Dans ce sens, le deuxième numéro de Skefkef est une critique de la société moderne, et de son usage des réseaux sociaux. Rebel Spirit, illustrateur participant au projet, va même jusqu’à imaginer un commissariat virtuel instauré par l’Etat. Sur le menu de la page d’accueil, baston, corruption et injustice.
Si ce descriptif peut paraitre grave et sérieux, les dessinateurs de Skefkef ne manquent pas d’utiliser l’humour à des fins sérieuses, notamment en traitant de l’addiction à la pornographie ou en dessinant une planche délirante où la touche Echap du clavier décide d’immigrer dans un autre pays, là où l’herbe serait plus verte.
Le projet, s’il en est à son deuxième numéro, souhaite être plus fréquent. « Nous aspirons à en faire un trimestriel », nous explique Salah Malouli. « Mais d’autres difficultés perdurent », rajoute-t-il. Entre financement et réseau de distribution absent, Skefkef a encore plusieurs obstacles à dépasser. En attendant, il sera présenté au nouvel espace culturel L’Uzine à Aïn Sebaâ, où il sera vendu à 30 dirhams.
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