La FIDH dresse un tableau noir des libertés au Maroc

Un rapport de la FIDH critique en détails la politique des droits de l'Homme au Maroc : torture, instrumentalisation de la justice... et des réformes menées dans la désorganisation.

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Répression policière de manifestants
Le rapport rappelle les événements du « DanielGate », où une répression disproportionnée avait été utilisée à l’encontre des manifestants à Rabat. Crédit : AFP

En marge du Forum mondial des droits de l’Homme qui se tiendra à Marrakech à partir du 27 novembre, la Fédération internationale des Ligues de droits de l’Homme (FIDH) présente ce mardi 25 novembre lors d’une conférence de presse à 13 heures son rapport concernant les droits humains au Maroc. Avec pour intitulé La justice marocaine en chantier : des réformes essentielles mais non suffisantes pour la protection des droits humains, ce rapport revient sur les problèmes inhérents à la situation des droits de l’Homme au pays. Manque d’indépendance de la justice, cas de tortures, violation des libertés publiques, la FIDH fait le bilan de ce qui n’a pas été fait et de ce qui reste à faire, en matière de réformes.

Multiplication des cas de torture en garde à vue

En commençant par les violations des droits fondamentaux des personnes en garde à vue. Ainsi, l’ONG remarque que trop souvent, les charges retenues contre les personnes interpelées ne leur sont pas communiquées, un avocat n’est pas mis à leur disposition pendant les 48 heures de garde à vue prévues par la loi et des procès-verbaux mensongers sont élaborés. Des irrégularités ont été relevées aussi bien par des associations marocaines et internationales mais aussi par des mécanismes onusiens.

« Malgré le fait que la torture ne fasse pas partie d’une politique systématique et généralisée, le nombre d’allégations de torture et de mauvais traitements reste très élevé », relève la FIDH. La Fédération souligne que les cas de torture ont principalement lieu lors des gardes à vue, dans les voitures des forces de l’ordre ou encore lors des interrogatoires. A ce titre, l’ONG rappelle différents cas particuliers, dont des militants sahraouis, des jeunes du mouvement du 20-Février, ou encore les rappeurs L7a9ed et Mister Crazy.

Par ailleurs, la FIDH remarque à quel point il est difficile pour les victimes d’actes de torture de soumettre leurs plaintes, citant ainsi des ONG et des avocats qui attestent de ce problème, mais aussi l’absence de toute enquête et poursuites contre les auteurs de ces actes. De nombreuses ONG se plaignent également du manque de suivi des plaintes du côté du CNDH. Celui-ci, bien souvent, ne notifie pas les requérants du traitement qui a été réservé à leur dossier.

Instrumentalisation de la justice à des fins politiques

L’ONG accorde une très large place au manque d’indépendance de la justice marocaine. Dans son rapport, la FIDH souligne que les catégories de personnes traduites devant la justice, sont « directement visées par les autorités marocaines », notamment « des jeunes étudiants, des membres de mouvements sociaux ou économiques ou encore des militants sahraouis ». «Les journalistes exprimant des positions particulièrement critiques vis-à-vis des autorités » ne sont pas épargnés non plus.

Par ailleurs, les cas de magistrats et juges qui font l’objet de pressions et de sanctions de la part du ministère de la Justice sont également cités. Présentées comme « des mesures disciplinaires » par le ministère, ces mesures interviennent souvent après que des magistrats aient donné leur avis sur les réformes de la justice en cours. Pour étayer ses propos, la Fédération aborde également les procès inéquitables de personnes jugées pour terrorisme et souligne que « certaines dispositions de la loi anti-terroriste de mai 2003 violent les standards internationaux des droits humains ».

Violation des libertés publiques

La Fédération s’est également intéressée aux libertés publiques au Maroc. Dans son rapport, elle note que la loi marocaine n’encadre que « de manière parcellaire » les différents types d’actions collectives de contestation publique tels que les manifestations, marches pacifiques et sit-ins. « Cette situation est source de violations des droits de réunion et de rassemblement », indique le rapport. A ce titre, la FIDH cite l’exemple du « sit-in », comme moyen de protestation pacifique, qui reste exclu du Code des libertés publiques et des autres textes de loi. Un vide juridique qui laisse libre place à toutes formes d’interprétations de la part des autorités, mais aussi à des violations des droits de contestation. Ainsi, le rapport rappelle les événements du « DanielGate », où une répression disproportionnée avait été utilisée à l’encontre des manifestants à Rabat.

Manque d’organisation en matière de réformes

Le rapport revient aussi sur les réformes entreprises par les autorités marocaines. Tout en félicitant ces dernières pour les récentes réformes entreprises en matière de droits humains, la FIDH ne manque pas de souligner qu’il y a un réel problème de « priorisation ». Examinant la manière dont le Maroc entreprend de réformer sa justice, la Fédération « regrette la méthodologie employée, caractérisée par de nombreux chantiers entamés en même temps, qui n’aboutissent pas encore et n’ont pas tous le même degré de consultation de la société civile, entraînant un embouteillage parlementaire ».

La FIDH fait ainsi référence aux 19 lois organiques d’ampleur qui doivent être adoptées avant la fin du mandat du gouvernement actuel, mais aussi à des lois plus complexes comme celles sur la régionalisation englobant différents secteurs et domaines. Sans pour autant oublier les autres projets lancés en amont et mentionnés dans la Charte sur la réforme du système judiciaire marocain, dont la réforme du Code pénal, du Code de procédure pénale, du statut des magistrats ou encore du nouveau Code militaire.

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