Un record. A l’occasion de la fête du trône, le souverain a gracié pas moins de 13 000 personnes sur une population carcérale de 73 000 détenus. Le communiqué du ministère de la Justice précise que 119 des personnes graciées l’ont été « pour des raisons humanitaires ». Cette décision remet sur la table le sujet de la grâce royale, toujours aussi tabou, malgré l’affaire Daniel Galvan qui fêtera bientôt sa première année.
Un pédophile dans la nature
Août 2013. L’ancien roi espagnol, Juan Carlos 1er est en visite officielle au Maroc. Il vient avec une requête : une demande de transfert de 48 prisonniers espagnols purgeant leur peine au Maroc. Le Cabinet royal, dans des circonstances toujours aussi floues et sombres, s’emmêle les pinceaux et, au lieu de faciliter le transfert des prisonniers en question, les libère sur grâce royale. Parmi cette liste d’Espagnols, celui de Daniel Galvan ne tarde pas à déclencher l’ire des Marocains. Pour cause, le prévenu en question a été condamné à 30 ans de prison ferme par un tribunal à Kenitra pour « actes de pédophilie».
Aussitôt le pédophile libéré, un homme lance l’alerte. Hamid Krayri, avocat des victimes avertit la presse. L’information est relayée et un appel à manifester est lancé. Le 2 août, le Maroc voit la tenue d’une dizaine de manifestations pour dénoncer la décision. Pour la première fois au Maroc, des sit-ins de grande envergure sont organisés pour dénoncer une décision émanant du roi. La confrontation est directe et inédite. La manifestation de Rabat est violemment dispersée et la presse internationale s’en fait écho.
Erreur royale
Il faudra attendre le lendemain, la soirée du samedi 3 août pour qu’un communiqué vienne rompre le silence royal. On y apprend que le roi « n’a jamais été informé, de quelque manière que ce soit et à aucun moment, de la gravité des crimes abjects pour lesquels l’intéressé a été condamné » précise le cabinet royal. Pour rajouter : « jamais le Souverain n’aurait consenti à ce que Daniel Galvan puisse arrêter de purger sa peine, au regard de l’atrocité des crimes monstrueux dont il a été reconnu coupable ».
Pour la première fois de l’histoire contemporaine du Maroc, un souverain avoue son « erreur ». La décision d’annuler la grâce royale tombe le dimanche. Un peu trop tard, car Daniel Galvan est déjà rentré chez lui, en Espagne. Il sera plus tard inculpé par la justice de son pays où il purge sa peine. Le condamné espagnol ne reviendra donc pas dans sa cellule marocaine. Du côté du Maroc, l’enquête promise par le roi débouche sur la révocation du délégué général à l’administration pénitentiaire, Hafid Benhachem. Le bouc émissaire est tout trouvé.
Critiques du système de grâce
L’affaire, connue sous le nom de DanielGate, avait été l’occasion, pour la société civile, d’émettre différentes critiques à l’encontre du système de grâce. « Il (le système de grâce) ne pourra jamais connaître de réformes, tant qu’il y sera question de sacralité » nous affirmait, le désormais célèbre avocat, Hamid Krayri. Pour cause, malgré le temps qui est passé, aucune véritable réforme en la matière, n’a vu le jour. Les grâces collectives sont toujours accordées avec les mêmes lois en vigueur que lors du DanielGate d’août 2013. Hormis quelques modifications d’ordre structurel, la grâce royale s’accorde selon toujours les mêmes conditions. Rien n’a été fait pour éviter un autre DanielGate.
Pays de merde