La récente ratification de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre le Maroc et l’Union Européenne interroge sur l’impact que pourrait avoir une telle décision sur les ressources halieutiques marocaines. Historiquement, cet accord était plus avantageux pour l’Union Européenne (UE). Certains professionnels de la pêche estiment que le nouveau protocole rééquilibre tant bien que mal la balance en faveur du Maroc, même si dans l’absolu il ne devrait pas être signé. Le royaume coopère dans le domaine de la pêche avec l’UE depuis les années 1960, alors que le premier accord date de 1988. Dans le cadre de cette coopération, des protocoles d’une durée déterminée fixent les quotas par catégorie de poisson, la contrepartie financière et les conditions spécifiques.
Pour rappel, l’actuel accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’UE et le Maroc est en vigueur depuis 2007. Le premier protocole annexé à l’accord a expiré le 27 février 2011. Un second protocole, qui a repris quasiment les mêmes conditions que son prédécesseur, le prolongeait d’un an. Il a été négocié en février 2011 et appliqué à titre provisoire jusqu’en décembre de la même année, lorsque le parlement européen a voté le texte avec un nombre insuffisant de voix favorables. Les négociations en vue de la conclusion d’un nouveau protocole ont démarré en novembre 2013 et se sont conclues au terme de six rounds de négociations menant à un paraphe à Rabat le 24 juillet par le ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Aziz Akhannouch, et la commissaire européenne en charge des affaires maritimes et de la pêche, Maria Damanaki. Zoom sur les nouveautés.
Un protocole « acceptable »
Pour certains opérateurs, le protocole vient plutôt en appui au secteur de la pêche au Maroc et ne le pénalise pas dans la mesure où il ne concerne que les espèces et les zones pour lesquelles les capacités de pêche du Maroc sont limitées. « Avant, j’étais opposé à cet accord parce que les Européens étaient beaucoup plus avantagés que les nationaux. Le nouvel accord est, à ce niveau-là, acceptable par les opérateurs », note Hassan Sentissi Idrissi, président de la Fédération nationale des industries de transformation et de valorisation des produits de la pêche. Par exemple, la zone Méditerranée est réservée aux opérateurs marocains, de même que certaines espèces comme le poulpe et les crustacés. L’UE n’a pas négocié de quotas pour les espèces qui sont pleinement exploitées, voire surexploitées par le Maroc. L’appui sectoriel de 56 millions d’euros sur 4 ans permettra la réalisation de nombreux projets pour développer le secteur national sur l’ensemble des zones de pêche. Un mécanisme de reporting permettra d’en mesurer l’impact en termes d’activité économique générée et d’emplois créés. Enfin, le protocole visera à promouvoir l’investissement privé et le rapprochement entre les opérateurs économiques marocains et européens.
Contrepartie revue à la hausse
Portant sur la période 2014-2018, le nouveau protocole prévoit une contrepartie financière totale annuelle d’environ 40 millions d’euros par an, contre 36,1 pour les précédents protocoles 2007-2011 et 2011-2012. Ce protocole est donc financièrement plus avantageux pour le Maroc. « La contrepartie financière est plus importante mais elle reste faible proportionnellement au tonnage », souligne Hassan Sentissi Idrissi. Dans le détail, 16 millions d’euros compensent l’accès de la flotte européenne à la ressource, 14 millions d’euros sont destinés à soutenir la politique sectorielle de la pêche au Maroc, et les 10 millions d’euros restants correspondent au montant estimé des redevances dues par les armateurs européens au titre des licences de pêche délivrées. En contrepartie, l’UE a augmenté la part financée par le secteur privé en autorisant 11 nouveaux armateurs européens à pêcher dans les eaux marocaines.
Contrôle des stocks de poissons
Ce protocole prévoit un mécanisme de surveillance de l’état des stocks de poissons, afin de s’assurer que l’activité de pêche ne menace pas le renouvellement des espèces. « Au Maroc, la plupart des ressources nationales sont surexploitées, l’autre partie étant pleinement exploitée. Sur le plan biologique, il est clair que cet accord ne devrait pas voir le jour », s’indigne Abderrahmane El Yazidi, secrétaire général du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière. Pour préserver pleinement le potentiel des eaux marocaines, l’Institut national de recherche halieutique (INRH) présentera des analyses au sein de la commission mixte UE-Maroc, chargée de contrôler l’application de l’accord sur la base des travaux du comité scientifique conjoint, composé d’experts européens et marocains qui analysent différents rapports scientifiques. L’UE accède ainsi uniquement aux stocks excédentaires qui ne sont pêchés ni par le pays partenaire, ni par d’autres flottes étrangères.
Petits pélagiques, gros quotas
Les zones couvertes par le nouveau protocole d’accord couvrent exclusivement la côte Atlantique et concernent six catégories de pêche. « Ce nouvel accord est plus avantageux pour le Maroc dans la mesure où les quantités pêchées ne seront pas les mêmes par rapport à l’ancien accord», soulève Sentissi. Les plus grands quotas sont octroyés aux espèces de petits pélagiques tels que la sardine et le maquereau. Les quotas ont été définis en fonction du niveau des stocks disponibles. « L’accord actuel exclut beaucoup de pêcheries qui sont menacées, telles que les pêcheries crevettière et poulpière », relève Abderrahmane El Yazidi. Le protocole prévoit de délivrer les autorisations pour 126 navires européens, venant de 11 Etats membres de l’UE : Allemagne, Espagne, France, Irlande, Italie, Lituanie, Lettonie, Pays-Bas, Pologne, Portugal et Royaume-Uni.
A prévoir la prochaine fois
Même si, selon certains professionnels, le Maroc a pu obtenir des avantages en renégociant l’accord de pêche, il reste néanmoins quelques aspects à revoir pour le prochain protocole. « Il s’agit notamment du débarquement des captures des navires dans les ports marocains », affirme Abderrahmane El Yazidi. Ce serait un bon moyen de s’assurer que les quotas de pêche sont respectés. « Il faut que le Maroc se prépare dès maintenant aux négociations du prochain accord pour que la partie européenne accepte que le débarquement de la totalité des captures des navires ait lieu dans les ports marocains. Tant que le Maroc n’aura pas réussi à obtenir cela, et malgré tous les mécanismes, une grande partie des ressources halieutiques marocaines risquent d’échapper à tout contrôle », conclut El Yazidi.
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