Stratégie. La Samir entrevoit le bout du tunnel

La raffinerie de Mohammedia commence progressivement à sortir la tête de l’eau. En dépit d’une conjoncture économique difficile, la société s’est engagée dans des chantiers qui la préparent, d’emblée, à des jours meilleurs.

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Raffinerie de la Samir
AIC Press

La gestion de la raffinerie de Mohammedia s’apparente, depuis quelques années déjà, à un exercice d’équilibriste pour son directeur général, Jamal Ba-Amer, qui tente tant bien que mal de rétablir les indicateurs financiers en berne du groupe. Il faut dire que la spirale sans fin de l’endettement dans laquelle a sombré la raffinerie n’est plus un secret pour personne. La libération de l’importation des produits pétroliers a aggravé la situation déjà difficile de la Samir, qui a dû subir de plein fouet la concurrence des opérateurs importateurs. Le directeur général du groupe reste, malgré tout, confiant quant au dénouement de la situation très complexe de la raffinerie : « La Samir entend, à l’avenir, éponger ses dettes à travers l’accélération de la mise en service des stations de raffinage, la vente des produits du groupe sur le marché local ainsi que l’écoulement du surplus de production sur les marchés internationaux afin d’améliorer, à terme, les marges du raffinage à l’international, notamment en zone Méditerranée ».

La raffinerie ambitionne ainsi d’augmenter ses parts de marché courant cette année suite « à la conclusion de contrats commerciaux avec les distributeurs locaux, qui ont pour finalité la vente de 75% de la production totale tout en leur attribuant des facilités de paiement très encourageantes », note Ba-Amer. Samir était entrée en négociations avec les principaux distributeurs, au cours du 2e semestre 2013, en vue de mettre en place un nouveau cadre de partenariat. Le groupe table sur une redynamisation des parts de marché avec une augmentation significative à partir du premier trimestre 2014. Au cours des deux premiers mois de cette année, la filiale marocaine du groupe Corral a déjà vu ses ventes grimper de 27,4%, s’établissant à 969 711 tonnes.

Nouvelles ambitions

« Les accords signés vont permettre également à Samir d’asseoir une relation de confiance avec les distributeurs », ajoute le directeur général. C’est aussi une manière de rétablir les rapports d’affaires avec les ténors de la distribution de produits pétroliers au Maroc, qui n’avaient pas vu, jusque-là, d’un bon œil l’entrée en jeu de la filiale SDCC (Société de distribution de carburants et combustibles) spécialisée dans la distribution. Pour rappel, l’activité commerciale de SDCC a démarré en octobre 2013 à travers l’ouverture des premières stations-service et la conclusion de plusieurs accords de partenariat. « Pour notre filiale dédiée à la distribution, nous n’ambitionnons pas de devenir leader sur le marché, ce n’est pas notre objectif et nous estimons qu’il est encore trop tôt pour parler de parts de marché. Nous avons pour ambition, en revanche, d’atteindre des parts de l’ordre de 10% d’ici 2016, en mettant en place un réseau de 150 stations de distribution et en établissant des transactions B2B », projette Ba-Amer. Il ajoute par ailleurs que le rééquilibrage de la situation financière de SDCC ne se fera qu’à partir de la 3e année d’exploitation de la filiale. La société de distribution a enregistré au titre de 2013 des revenus de l’ordre de 150 millions de dirhams pour un résultat net déficitaire de 11,2 millions. Sa dette est ressortie, elle, à 44,6 millions de dirhams. La SDCC compte également assurer son positionnement au niveau régional en affichant clairement ses ambitions d’expansion sur le continent. Elle envisage dans ce sens de devenir l’un des premiers exportateurs de produits énergétiques vers les pays africains tels que l’Ethiopie, l’Algérie, la Tunisie, la Mauritanie, le Mali, le Sénégal ou encore le Togo.

L’étude comparative annuelle des raffineries menée récemment par le cabinet international Solomon démontre également que la raffinerie de Mohammedia présente un grand potentiel d’amélioration de marge. Sur la base de cette étude, un programme d’excellence opérationnelle a été lancé cette année avec comme objectif l’amélioration de la marge opérationnelle de 100 millions de dollars. Le groupe a également en ligne de mire le lancement, fin 2014, d’un terminal pétrolier à Jorf Lasfar d’une capacité de 100 000 m3. Samir avait d’ailleurs acquis, en juillet 2013, 60% de la société Jorf Petroleum Storage JPS SA, engagée dans le stockage de produits pétroliers dans la zone stratégique de Jorf Lasfar. Ce terminal permettrait à Samir de consolider ses capacités logistiques et de stockage, d’assurer plus de sécurité en termes d’approvisionnement et d’améliorer les mécanismes logistiques dédiés aux exportations.

Une augmentation de capital en suspens

En attendant toujours la concrétisation de l’augmentation de capital déjà annoncée par le groupe suédo-saoudien Corral Petroleum Holding, qui détient 67% du capital de la raffinerie, la Samir a procédé à un réengineering de sa dette, qui a atteint près de 22 milliards de dirhams en 2013. La raffinerie a d’ailleurs fait d’une pierre deux coups. En bouclant la 2e opération du programme de réengineering de ses finances, qui porte sur un contrat de financement de 300 millions de dollars avec le groupe Glencore Energy UK, Samir a également garanti l’importation de pétrole brut et l’exportation de l’excédent raffiné. Dans le cadre du même programme, la société a procédé au remboursement par anticipation au consortium de banques locales du reliquat du prêt relatif à la modernisation de la raffinerie de Mohammedia, s’élevant à 1,7 milliard de dirhams. « Ces réalisations contribueront à la consolidation des finances, à l’amélioration des indicateurs et du rating de la société, à même de lui permettre de bénéficier de financements locaux et internationaux à des conditions avantageuses », indique-t-on auprès de la société. La première étape du programme de financement de la Samir a été réalisée, en revanche, en procédant à la signature avec Standard Chartered, Dubai Bank, soutenue par BP Oil International London, d’un contrat de financement de 200 millions de dirhams portant sur une durée de deux ans.

Si aujourd’hui la société réussit à se financer à l’international et arrive tant bien que mal à améliorer ses fonds permanents, il n’en demeure pas moins qu’une augmentation de capital reste un passage obligé pour le retour à l’équilibre de sa situation financière. Le Groupe Corral, présidé par Cheikh Mohamed Hussein Al Aamoudi, tarde encore à réaliser cette opération. « Le groupe a des engagements à l’international. L’augmentation de capital de la Samir se fera donc au moment opportun », tranche Ba-Amer. D’ailleurs, c’est ce retard enregistré au niveau du relèvement du capital de la raffinerie qui n’a pas été du goût des établissements bancaires marocains, qui se sont montrés prudents quant à l’octroi de plus de crédits à la raffinerie. Ils auraient souhaité que Corral injecte également des fonds dans le capital de la Samir. C’est ce qui explique d’ailleurs la régression de la part du financement des banques marocaines de 52% en 2011 à seulement 38% en 2013.

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