Stratégie. Levée de fonds, expansion africaine, finance participative… le président de la Banque centrale populaire évoque les challenges que son institution s’est fixés pour 2014.
Réputé discret, le PDG du groupe mutualiste marocain Banque populaire n’est pas un adepte de la langue de bois. N’éludant aucune question, il livre une analyse minutieuse de l’activité de l’institution qu’il dirige depuis 2008 ainsi que du système bancaire marocain. Envolée du coût du risque, croissance à l’international et réglementation bancaire sont autant de défis que l’institution est amenée aujourd’hui à relever.
Vous avez annoncé en septembre dernier qu’une sortie à l’international devait s’opérer avant fin 2013. Pourquoi l’opération a-t-elle pris du retard ?
Compte tenu des conditions offertes à l’époque sur les marchés internationaux, nous avions pensé à une dette obligataire pour profiter de taux attractifs sur ces marchés qui regorgeaient de liquidités. Les annonces de certaines banques centrales relatives aux injections de liquidités dans le système bancaire, notamment aux Etats-Unis, sont venues perturber les courbes des taux. Malgré la notation de notre groupe, il était devenu incertain qu’on puisse lever de la dette à des taux raisonnables et économiquement rentables. Nous nous sommes alors orientés vers d’autres voies pour ces levées de fonds et cela se fera en 2014.
La notation de la BCP par Standard & Poor’s est passée de la catégorie « note d’investissement » à celle dite « spéculative ». Quel en est l’impact ?
L’obtention de l’Investment Grade durant quatre ans de suite traduit la confiance de Standard & Poor’s vis-à-vis de la BCP. Le changement au niveau du rating, intervenu fin 2013, n’affecte en rien cette confiance puisque cette révision est une conséquence mécanique de l’abaissement de la note de l’Etat marocain en monnaie locale, qui est passée de « BBB/A-2 » à « BBB-/A-3 ». La reconduction de notre rating intrinsèque, le meilleur du système bancaire marocain et maghrébin, demeure un signe qui reflète cette confiance en la solidité de notre business-model.
À quand l’augmentation de capital prévue par votre banque ?
La banque est largement en conformité avec le ratio de solvabilité qui s’établit à 12,7%, soit bien au-dessus des exigences de Bank Al-Maghrib. Cela a été rendu possible grâce à nos résultats et aux mesures d’optimisation des fonds propres. Nous comptons procéder prochainement à une autre augmentation du capital de la BCP tout en envisageant de mobiliser d’autres sources de fonds propres ou de quasi-fonds propres, opérations que nous avons programmées pour cette année.
Ne pensez-vous pas que la réglementation de Bank Al-Maghrib soit devenue très contraignante pour les banques ?
Cette réglementation vise à renforcer la solidité du secteur bancaire marocain et à le rapprocher des normes et standards internationaux. C’est pour cela que nous adhérons à toutes les initiatives prises par la banque centrale et que nous nous employons à respecter les nouveaux ratios prudentiels. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que le secteur bancaire marocain nourrit de fortes ambitions de développement à l’international, notamment en Afrique, mais aussi sur le continent américain. Sur ce dernier point, l’agrément que nous avons reçu de la Réserve Fédérale pour ouvrir un bureau de représentation aux Etats-Unis est une preuve supplémentaire du niveau de gouvernance des banques marocaines et de la pertinence du dispositif réglementaire qui a été mis en place par Bank Al-Maghrib.
L’amnistie sur les avoirs à l’étranger non déclarés permettra-t-elle d’alléger les tensions sur les liquidités ?
Nous sommes au tout début de l’opération, et pour l’heure, l’essentiel de notre travail consiste à informer nos clients, qui se posent encore beaucoup de questions sur les différentes dispositions de la loi, ainsi que sur les mécanismes de prise en charge prévus par les circulaires de l’Office des changes. Il est aujourd’hui difficile d’évaluer les avoirs détenus par les Marocains à l’étranger, et par conséquent le manque à gagner pour l’Etat marocain. Le ministre de l’Economie et des finances a annoncé le chiffre de 450 millions d’euros de collecte. Si cette prévision venait à se réaliser, la mesure d’amnistie, empreinte de beaucoup de pragmatisme, permettrait de contribuer à l’allègement des tensions sur les liquidités.
Comment interprétez-vous l’augmentation en 2013 des créances en souffrance sur les entreprises et les particuliers ? Quels sont les secteurs à risque ?
L’augmentation des créances en souffrance est beaucoup plus le fait des entreprises que des particuliers avec, notamment, la défaillance de quelques contreparties qui n’ont pas pu résister ou qui n’ont pas anticipé l’évolution de la conjoncture internationale. Nous estimons que le niveau des créances en souffrance reste gérable au niveau de notre groupe, qui déploie d’importants efforts en matière de provisionnement, que ce soit au niveau des provisions réglementaires ou celles pour risques généraux. Et au-delà de certains secteurs qui n’ont pas anticipé l’évolution de la conjoncture économique internationale, notamment celui du transport maritime, nous sommes beaucoup plus sensibles à la gouvernance des entreprises qu’aux secteurs d’activité.
Avez-vous réellement resserré les conditions d’octroi de crédit à la promotion immobilière ?
Nous avons plutôt procédé à une rationalisation de l’octroi de crédit à la promotion immobilière. Tout d’abord en liant nos financements à des projets identifiables et quantifiables et, en second lieu, en exigeant un apport en fonds propres pour tout projet que nous finançons. Nous avons également réalisé une étude prospective sur le secteur qui a fait ressortir, notamment, un potentiel de développement de cette activité, particulièrement sur le logement social que nous continuons à soutenir.
Quid de la finance participative ?
Nous nous sommes aujourd’hui préparés pour déployer les activités de finance participative dans le cadre d’une filiale bancaire dédiée. Cette banque participative s’appuiera certes sur les platesformes techniques et logistiques du groupe, mais elle disposera de son propre réseau d’agences ainsi que de sa propre marque. Notre but est d’en faire une référence sur le marché, tant en termes d’authenticité de l’offre qu’elle aura à proposer au public qu’en termes d’innovation.
PROFIL 1984. Diplômé de l’Ecole nationale supérieure des télécommunications de Paris. 1996. Directeur à l’administration des douanes et impôts Indirects. 1999. DGA à la BCP. 2003. Rejoint l’ANRT en tant que directeur général. 2008. Nommé PDG de la BCP par Mohammed VI. |
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