Abderrahman Youssoufi. Il était une fois l’alternance (6/6)

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« L’USFP a fait échouer l’alternance »

Journaliste politique ayant suivi de près la vie des partis pendant une quinzaine d’années, Mohamed Ettayeâ nous raconte les secrets de fabrication de son livre.

A la lecture de votre livre, il est clair que vous avez eu accès à Abderrahman Youssoufi. Comment avez-vous réalisé cet exploit alors qu’il refuse de parler aux médias ?

Il est vrai que Youssoufi décline toujours toutes les demandes d’interviews. Mais il n’est pas si inaccessible que l’on peut penser. Sa maison ne désemplit pas de visiteurs de tout bord, que ce soit des politiques, des militants des droits de l’homme ou de la société civile. Sa crédibilité et son charisme font de lui un personnage très aimé. Il n’y a qu’à voir le beau linge qui a défilé à l’occasion de son 90e anniversaire, célébré le 8 mars dernier.

Quelles ont été vos principales sources pour réaliser cet ouvrage ?

J’ai rencontré une soixantaine de personnalités qui ont joué d’une manière ou d’une autre un rôle durant cette époque. C’est une investigation qui a duré trois ans et j’ai failli à plusieurs reprises abandonner ce projet par dépit. Malheureusement, nos hommes politiques préfèrent rester discrets et silencieux. J’ai dû relancer certains de mes interlocuteurs une quinzaine de fois avant de décrocher un premier rendez-vous. Par la suite, il a fallu gagner leur confiance.

Dans votre introduction, vous faites un parallèle entre le gouvernement d’alternance et l’arrivée du gouvernement islamiste. En quoi est-ce comparable ?

Je dois dire d’abord que le contexte et les personnages ne sont pas comparables. Abderrahman Youssoufi n’avait pas la même marge de manœuvre que procure la nouvelle Constitution de 2011 à Abdelilah Benkirane. Il n’a pas non plus été Premier ministre au lendemain d’un printemps arabe qui a éveillé la conscience politique. Cela dit, l’avènement du « gouvernement islamiste » rappelle l’arrivée du gouvernement d’alternance. Là encore, le Maroc se trouvait dans une impasse et le régime se devait de composer avec les forces d’opposition.

Pensez-vous que le PJD risque d’imploser comme cela a été le cas pour l’USFP après son expérience à la tête du gouvernement ?

Pas du tout. Rappelez-vous, le départ de Saâd-Eddine El Othmani du ministère des Affaires étrangères à l’occasion du remaniement ministériel. Nombreux sont ceux qui avaient pensé que cela allait être un point de rupture et provoquer une scission au sein du PJD. Sauf qu’El Othmani, en tant que président du conseil national, a lui-même désamorcé la bombe à l’occasion de son speech d’ouverture devant ce conseil en disant que son départ du gouvernement n’allait pas être un point de désaccord. Les dirigeants de l’USFP n’avaient pas autant de maturité et de solidarité politique que le PJD, dont les bases restent unies autour de leur leader. Il ne faut pas oublier que ce sont les socialistes qui ont eu la plus grande part de responsabilité dans l’avortement de l’alternance. 

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