Start-up. Innovation et liberté

C’est au début des années 2000 que les start-ups ont connu un boom au Maroc. Une nouvelle forme de création d’entreprise qui ouvre la porte à l’innovation. 
Mais sur quoi repose ce concept importé directement des Etats-Unis ?

La start-up est définie comme une jeune entreprise en développement dont le potentiel de croissance est supérieur à la norme. Ici, pas de codes hiérarchiques ni de protocole formel, tout le monde ajoute une pierre à l’édifice en collaborant dans une ambiance détendue où la complémentarité est le maître-mot. Mais si la start-up séduit par la liberté qu’elle octroie à ses fondateurs, ainsi qu’à ses employés qui ont l’avantage de travailler dans une ambiance créative, elle rencontre encore bien des difficultés qui freinent son développement. Le frein majeur est bien sûr le financement puisqu’il est très difficile de trouver des investisseurs, sans compter les clients qui ne se bousculent pas au portillon quand il s’agit de start-ups marocaines. « Le marché ne fait pas encore confiance aux nouveaux entrants », témoigne Omar Balafrej, directeur général du Technopark, qui a vu passer pas moins de 200 start-ups et PME. Les entreprises et l’Etat préfèrent souvent s’adresser aux grandes structures ou font carrément appel à des prestataires étrangers. Pourtant, le travail réalisé par les start-ups n’a rien à envier à ses anés en matière de qualité, il va même jusqu’à se démarquer par sa flexibilité et sa constante envie de se remettre au goût du jour. Malgré les difficultés, cela ne décourage pas de jeunes entrepreneurs à se lancer dans un marché encore peu structuré. Téméraires, ils tentent le tout pour le tout et explorent en permanence de nouvelles pistes. Tour d’horizon du secteur au Maroc, à travers le regard de trois jeunes startupers.

« Le risque, principal ingrédient du succès »

Interview croisée. Taher Alami, Amine Azariz et Youssef Ghalem, trois jeunes startupers dynamiques et motivés nous racontent la genèse de leurs projets, les difficultés qu’ils ont surmontées et aussi les défis qui les attendent encore.

D’où vient votre passion pour les nouvelles technologies ?

Taher : Issu d’une famille modeste, je n’avais pas accès aux derniers produits technologiques qui m’intéressaient à l’époque. Je me contentais donc de lire les magazines spécialisés. De fil en aiguille, j’ai commencé à me passionner pour la technologie. L’avènement du Net a bien sûr beaucoup contribué à mon engagement dans ce domaine.

Amine : J’ai découvert l’ordinateur dans le bureau de mon père qui était professeur à l’université. Je l’y accompagnais quand je ne pouvais rester seul à la maison et passais des heures devant un ordinateur pendant qu’il donnait ses cours.

Youssef : Mon intérêt pour la technologie a été attisé par l’insatisfaction que je ressentais par rapport à ma carrière. J’ai donc pensé à m’inscrire dans un MBA à l’étranger, et dans le cadre de cette candidature, je devais entamer un projet extra-professionnel, j’y ai tellement pris goût que j’ai décidé d’en faire mon métier.

Comment faire la part entre le businessman, le créatif et le technicien quand on monte sa start-up ?

Taher : L’idée n’est pas tant de faire la part mais plutôt d’être polyvalent. Je n’ai jamais eu de formation de technicien mais je comprenais les priorités des clients et les traduisais en termes techniques à mes employés et vice versa. Plus on maîtrise de choses, mieux c’est.

Amine : Je suis tout à fait d’accord, mais quand on n’a pas les compétences, il faut savoir s’entourer de profils complémentaires et instaurer une communication efficiente. Il ne faut pas avoir peur de déléguer quand on ne maîtrise pas un de ces volets.

Youssef : Personnellement, il a été essentiel pour moi de bien m’entourer pour mieux avancer, notamment côté business et création. J’ai fait en sorte de faire équipe avec des gens passionnés qui me poussaient vers l’avant.

Comment est perçue la start-up au Maroc ?

Amine : Nous sommes encore loin de l’institution de la start-up. Le mot start-up est encore méconnu et devient un terme passe-partout qui qualifie toute petite entreprise. La start-up se différencie par le fait qu’elle commence petite mais est dotée d’un potentiel d’explosion supérieur aux entreprises dites classiques. Au Maroc, nous manquons encore de beaucoup de paramètres pour populariser l’esprit de la start-up.

Youssef : Malgré tout, des initiatives tendent à fédérer les nouvelles start-ups au Maroc. A mon avis, elle se distingue par le sens du risque, et c’est d’ailleurs ce qui peut représenter l’ingrédient principal de son succès.

Les avantages et inconvénients…

Taher : L’avantage aujourd’hui de créer une start-up au Maroc est d’avoir un écosystème qui en est encore à sa genèse. Des institutions comme le Maroc Numeric Found permettent de financer les nouvelles start-ups, vu que les entrepreneurs avec des projets novateurs restent peu nombreux. L’inconvénient par contre réside dans le manque de reconnaissance du startuper au Maroc. Les clients préfèrent avoir recours à des entreprises étrangères alors que leurs concitoyens sont tout aussi efficaces.

Quel a été l’apport de votre installation dans un lieu comme le Technopark ?

Amine : S’installer au Technopark est motivant puisqu’il regroupe des entreprises qui se développent dans le même domaine. Tout le monde parle le même langage, ce qui en fait un espace idéal pour démarrer son projet.

Taher : Le Technopark permet aussi de se concentrer sur son cœur de métier et laisser l’accessoire au second plan. La surveillance, la restauration et les autres services de proximité sont garantis, ce qui allège relativement les charges des entreprises. L’image du Technopark permet aussi de convaincre plus facilement ses clients parce qu’elle confère un label de qualité.

La levée de fonds n’est-elle pas moins évidente dans ce contexte de crise financière ?

Amine : Lever des fonds n’est jamais évident, crise ou pas. Cela requiert beaucoup de travail et de préparation. Il faut démontrer la solidité de l’équipe et sa complémentarité, et disposer d’un business model sérieux et réaliste. La crise peut être le déclenchement de l’investissement dans une start-up. Qui dit crise financière dit licenciements en grand nombre, et donc des employés potentiels qui lancent leurs propres projets.

Youssef : Pour lever des fonds au Maroc, il faut faire ses preuves. Arriver à être rentable dans un premier temps, après la levée de fonds peut se faire. Il faut donner la preuve du potentiel de l’entreprise.

Quels sont les obstacles que peut rencontrer la start-up au Maroc ?

Youssef : La mentalité marocaine est encore réticente par rapport à la start-up et c’est un obstacle sérieux. On n’encourage toujours pas les gens à concrétiser leurs projets personnels. Le sens du risque est un ingrédient qui nous manque, nous préférons rester dans notre zone de confort.

Taher : Le manque d’encadrement demeure aussi un frein important. En plus d’être bon dans son métier, il faut être bien encadré pour que le projet aboutisse. Un autre point pas moins essentiel est le manque de compétence en termes de communication. On peut être intelligent et maitriser son domaine, on peine toujours à le défendre, à communiquer dessus, ce qui fait que l’on peut passer à côté de choses intéressantes.

Amine : Ajoutons à cela le manque de ressources humaines. On peut avoir un financement important et constater un manque cruel de talents lorsqu’on décide de recruter. Ce n’est pas que ces talents n’existent pas mais ils préfèrent se diriger vers de plus grandes structures ou s’exporter à l’international.

Comment voyez-vous l’avenir à court et moyen terme ?

Taher : Le secteur n’avancera pas tant que le gouvernement ne prendra pas ses responsabilités. Avec Ahmed Reda Chami, il y a eu des initiatives sérieuses, notamment avec la stratégie Maroc Numeric 2013. Son successeur, Abdelkader Amara n’a pas aidé à faire avancer les choses. Aujourd’hui, on attend que Moulay Hafid Elalamy propose un véritable bilan de ce qui a été fait et établisse un plan rodé pour l’avenir.

Youssef : Je reste optimiste, notamment en voyant toutes les idées qui fleurissent chaque année auprès des jeunes créatifs. La start-up est indéniablement le nouveau modèle d’entreprendre. Ce domaine ne peut qu’évoluer puisqu’il est encore très jeune.

Amine : Aujourd’hui, nous n’avons plus le choix. Les modèles ont changé. Nous sommes obligés de prendre les choses en main et entreprendre. Cela dit, nous avons besoin d’une communauté pour faire avancer les choses intelligemment, éduquer le marché par rapport à l’entrepreunariat et contribuer à la formation des jeunes pour leur donner envie de franchir le pas.

Taher Alami, le marathonienMarketicien de formation, Taher Alami est le fondateur de Abweb, une agence web installée au Technopark. Avec 5 entreprises à son actif, le jeune entrepreneur a plongé dans l’univers du web très tôt. Notre startuper a déjà derrière lui 17 ans d’expérience où il a touché à différents métiers du web, de la création de sites au community management, en passant par le design et la création de plateformes d’hébergement. Son secret ? Être toujours à l’affut des tendances, « Je passe 16 heures par jour devant mon écran à la recherche des nouveautés dans le domaine.» nous confie Taher dont l’équipe est responsable de l’ensemble de la stratégie web de Sony en Afrique. Une équipe jeune, pluridisciplinaire qui ne cesse de grandir. « Quand je recrute, je ne me base jamais sur le diplôme des candidats, la passion est mon critère essentiel » explique Taher qui prône la créativité, l’esprit d’équipe et la réactivité comme valeurs essentielles régissant ses entreprises.[/encadre]
 

Amine Azariz, le téméraireIngénieur spécialisé dans l’architecture des systèmes d’information, Amine Azariz a d’abord commencé sa carrière à Capgemini, une multinationale française de consulting. « Quand j’ai tenté l’aventure de la grande entreprise, je me suis tout de suite fixé sur ce que je ne voulais pas faire » nous confie Amine. Quelques mois après, le jeune diplômé rejoint une start-up parisienne et prend la tête de l’ équipe technique. Il fondera par la suite Greendizer en 2010, s’en suivra une installation au Technopark dès l’année d’après.  « Il faut se lancer le plus vite possible dans le domaine pour pouvoir avancer et être plus effectif » confie Amine après nous avoir raconté les expériences qu’il a cumulées en un temps record. Sa devise ? « Ecouter les gens, mais pas trop » nous dit-il avant de poursuivre : « Il faut être flexible et s’attendre à tout, ne pas avoir peur de l’échec est un premier pas vers le succès ». Aujourd’hui, Amine est chef de projet web à M2T, une star-up spécialisée dans les services de paiement.[/encadre]
 

Youssef ghalem, le débutant« L’aventure Kezakoo a commencé par une sensation de vide » nous raconte Youssef Ghalem, jeune entrepreneur ayant fondé la première plateforme de e-learning au Maroc. Après s’être senti cloisonné dans sa fonction d’ingénieur, ce startuper de 26 ans a préféré poursuivre ses études aux Etats-Unis, une admission pour laquelle il fallait présenter un projet extra-professionnel  déjà à son actif, c’est ainsi que Youssef a commencé à publier des vidéos en ligne, prémices de son entreprise actuelle qui commence à se positionner dans le paysage des start-ups marocaines. Ses motivations ? Assurer une rentabilité dans un premier temps avant de penser à s’étendre en Afrique et dans la région Mena. Si Kezakoo n’en est qu’à ses débuts, elle a déjà reçu le 2e prix de la Start-up Cup au Technopark, compétition récompensant les meilleurs business-models de start-ups. Une consécration qui annonce une belle année pour ce projet novateur ![/encadre]
 

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