Après cinq années de coma profond, le marché boursier affiche ses premiers signes de convalescence. Et tous les indicateurs le prouvent. Analyse.
La relance. Dans les milieux financiers casablancais, tout le monde ne jure que par ce mot. Traders, analystes, gestionnaires de fonds croient dur comme fer en ce scénario. « La Bourse de Casablanca est descendue trop bas, et ne peut désormais que remonter », chantent-ils en chœur. Une théorie confortée par plusieurs indicateurs. A commencer par les niveaux de valorisation de la place. Le cycle baissier entamé par les indices boursiers en 2009 a corrigé la valorisation du marché, mesurée par le multiple des bénéfices (PER). Cet indicateur, qui renseigne sur la cherté d’une Bourse, est désormais de 14 fois les résultats futurs de toutes les capitalisations. En 2009, ce multiple dépassait les 23 fois. « C’était de la folie. Là, on revient sur terre, avec des niveaux de valorisation raisonnables, mais surtout en ligne avec la moyenne de la région. On est prêt pour le décollage », explique un courtier de la place. Pour y arriver, la Bourse de Casablanca a dû entrer en hibernation, une sorte de coma profond, aux dégâts pour le moins lourds : plus de 80 milliards de dirhams de capitalisations sont partis en fumée, les volumes du marché se sont réduits de moitié et les indices ont perdu plus de 38% de leur valeur. Mais ce qui devait prendre un an ou deux a duré cinq longues années. « Les corrections dans les places développées sont généralement violentes et ne durent que quelques mois, voire quelques semaines. Chez nous, et c’est une spécificité marocaine, les corrections sont moins trash et donc trop lentes. Et c’est tant mieux, aucun opérateur du marché n’aurait résisté à un crash à l’américaine », signale notre broker.
Du papier frais
Ce sentiment de fin de cycle et d’enclenchement d’un nouveau, plus rose, n’est pas juste une perception. Il est désormais érigé en constat. Preuve par la fin 2013. En moins de trois mois, le Masi, baromètre de la place casablancaise, a effacé presque toutes ses pertes, qui plafonnaient à plus de 15% à fin septembre, pour finir l’année avec une contre-performance d’à peine 2,6%. Du jamais vu depuis des années. Autre signal : le retour des investisseurs, notamment les petites porteurs. L’introduction en Bourse de JLEC a été un cas édifiant. L’industriel, qui voulait lever un milliard de dirhams, a reçu une offre de 6,7 milliards. C’est loin des taux de sursouscription à deux chiffres des années fastes, mais en temps de disette, cela s’appelle une belle performance. « L’opération de JLEC a servi de test quant à l’attractivité du marché. Lorsqu’il y a du bon papier qui arrive sur la Bourse de Casablanca, il y a toujours un intérêt de la part des investisseurs », commente le patron de la Bourse, Karim Hajji. Et du bon papier, Karim Hajji en promet pour 2014. On parle d’ores et déjà de la privatisation de Marsa Maroc, de l’introduction en Bourse de grosses entités comme le leader de l’offshoring Intelcia, de Fipar Holding, bras financier de la CDG, de la société d’investissement de Adil Douiri, Mutandis, et d’une série d’augmentations de capital de sociétés déjà cotées. Sans parler des très attendues OPV du groupe royal SNI. Du papier frais, il y en aura fort probablement à revendre cette année…
Retour des bénéfices
Mais cela reste insuffisant pour relancer le marché sur de bonnes bases. « Les introductions en Bourse peuvent jouer le rôle de catalyseur. Mais une relance saine du marché doit se faire sur la base des fondamentaux des sociétés cotées. On ne peut pas entrevoir une hausse des indices et des cours avec des sociétés cotées qui réalisent de moins en moins de bénéfices », tranche cet analyste. Un avis largement partagé sur la place, mais vite balayé par les tendances macroéconomiques. « L’économie marocaine devra enregistrer une croissance de 4,5% en 2014. Cela devra profiter pleinement aux sociétés cotées qui opèrent dans des secteurs clés, comme la banque, l’assurance, le BTP, la distribution ou l’informatique… », signale ce gestionnaire de fonds. Le son de cloche a déjà été donné en septembre 2013 avec la publication des résultats semestriels. Les sociétés cotées ont engrangé dans l’ensemble des bénéfices de 13,9 milliards de dirhams, en quasi-stagnation par rapport à 2012. « Des résultats qui ont dépassé toutes les anticipations », commente le département recherche d’Upline Group. Et le meilleur reste à venir. Les analystes de BMCE Capital Bourse tablent ainsi sur une progression des bénéfices de 4,4% pour l’année 2013 et de plus de 7% pour 2014. « La publication en mars de résultats en hausse sera le véritable signal de reprise du marché. Mais les premiers indicateurs montrent que la saison sera bonne », prévoit un patron de société de Bourse. Cet optimisme des cols blancs est aussi conforté par la volonté des politiques d’en finir avec les années noires de la Bourse et lui redonner un nouveau souffle.
Quand le roi veut…
Le ton a été donné par l’autorité suprême de l’Etat, le roi lui-même, qui a surpris tout le monde en évoquant dans son discours d’ouverture du parlement la nécessité et l’urgence de faire de la place de Casablanca un véritable pôle financier régional. « Le discours du roi a eu l’effet d’une claque pour les opérateurs. Et le message a été vite saisi. Il n’y a qu’à juger le comportement du marché sur les trois derniers mois de 2013 pour s’en apercevoir », explique un broker. Résultat : le ministère des Finances, qui laisse la situation pourrir comme pour punir les loups du marché pour les excès des années fastes, prend désormais le taureau par les cornes. Des lois fondamentales, comme celles portant sur le prêt- emprunt de titres, les ventes à découvert, le marché à terme, le statut de la Bourse et du gendarme du marché, verront bientôt le jour. « Ces lois sont prêtes depuis longtemps déjà. On n’attend que la publication des décrets d’application pour passer aux choses sérieuses », explique Khalid Mhammedi de Capital Gestion, qui confirme que cette nouvelle vague de réformes devra donner un nouveau souffle au marché et inscrire cette relance attendue sur la durée. « Le marché a besoin de ces nouveaux instruments, qui donneront la possibilité aux investisseurs de gagner de l’argent, même quand le marché est en baisse. C’est le seul moyen d’assurer une liquidité constante et régulière à la place», poursuit-il. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Frontier Market Un indice qui nous va bien Perçue au départ comme une gifle pour la place, la sortie de la Bourse de Casablanca de l’indice MSCI Emerging Market, en 2013, |
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