Palestine. Et maintenant, on va où ?

La Palestine a été élevée, jeudi 29 novembre, au rang d’Etat observateur non-membre par les Nations Unies. Cette résolution, qui se veut un nouveau pas vers l’avènement d’une solution à deux Etats, se heurte déjà à une riposte politique d’Israël. Décryptage.

 

“Maintenant, nous avons un Etat !”, s’est félicité le président palestinien, Mahmoud Abbas. Soixante-cinq ans jour pour jour après le plan de partage de la Palestine en deux Etats, le vote a en effet une dimension historique. En tout, 138 pays ont accordé leur blanc-seing au certificat de naissance de l’Etat de Palestine, qui devient ainsi le second Etat observateur non-membre après le Vatican. Quarante et un pays, parmi lesquels l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont choisi l’abstention. Neuf seulement s’y sont opposés : Israël et les Etats-Unis, c’était attendu, mais aussi le Canada, la République tchèque, le Panama et quatre micro-Etats du Pacifique.

 

Acte de naissance

Si la Palestine est déjà reconnue par 104 Etats dans le monde, dont tous les pays arabes, et reconnue par l’Unesco depuis 2011, c’est la première fois que le terme d’ “Etat” est officiellement accolé à celui de “Palestine” au sein de l’ONU. Non-membre et observateur, certes, mais c’est tout ce à quoi Mahmoud Abbas pouvait aspirer, après l’échec de la demande d’adhésion de la Palestine en tant qu’Etat membre en septembre 2011. La menace du veto américain au Conseil de sécurité avait marqué l’arrêt de la procédure engagée par le président palestinien. La nouveauté de ce statut à l’ONU est qu’il ouvre une série de portes sur la scène internationale. Celles de toutes les agences de l’ONU, d’abord, comme l’Organisation mondiale de la santé ou le Programme alimentaire mondial, auxquelles la Palestine devrait bientôt participer. La seconde, et la plus importante, est celle de la Cour pénale internationale, devant laquelle l’Etat de Palestine pourrait à l’avenir émettre des plaintes contre des responsables israéliens pour crimes contre l’humanité ou crimes de guerre.

 

Représailles israéliennes

Autant d’opportunités dont sont bien conscientes les autorités israéliennes, qui n’ont pas tardé à répliquer. Dès le lendemain du vote, la construction prochaine de 3000 nouveaux logements de colonisation a été annoncée. La zone visée est controversée puisque sa colonisation couperait la Cisjordanie de Jérusalem-Est, toujours réclamée comme capitale de la Palestine si un Etat indépendant devait voir jour. D’autre part, le ministre des Finances israélien a décidé d’annuler, toujours en réaction à l’initiative onusienne, le transfert de 460 millions de shekels (un peu plus d’un milliard de dirhams) de taxes collectées par Israël au profit de l’Autorité palestinienne. Une arme des plus efficaces contre un gouvernement palestinien en proie à une crise financière importante, mais qui pourrait être contrée par la promesse des Etats arabes de combler toute perte financière engendrée par des représailles israéliennes.

Cette contre-attaque, tout affichée et assumée par les autorités israéliennes, n’est pas restée lettre morte à l’étranger. Des réactions se sont déjà fait entendre à Paris, Londres, Stockholm, Berlin, Moscou, Ankara, et dans tous les pays arabes. La France et la Grande-Bretagne envisagent même de rappeler leurs ambassadeurs à Tel-Aviv “pour consultation”. Quant à la position de Washington, elle est de loin la plus délicate. La diplomatie américaine s’est en effet tenue aux côtés d’Israël lors du vote, a menacé de retirer ses financements des agences de l’ONU rejointes par la Palestine (comme elle l’a fait en 2011 suite à son admission au sein de l’Unesco), et même d’annuler une aide de 200 millions de dollars aux Palestiniens prévue pour cette fin d’année. Mais elle a reçu de plein fouet l’annonce du nouveau plan de colonisation autour de Jérusalem-Est, qui dément les garanties accordées par Tel-Aviv à son grand frère américain. “Nous avons toujours dit que c’est seulement par la négociation que Palestiniens et Israéliens pourront aboutir à une solution”, ne cesse de répéter la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton. L’histoire semble lui donner raison, étant donné les conséquences qu’engendre déjà le nouveau statut acquis par la Palestine à l’ONU. La victoire onusienne de Abbas ne règle certainement pas les questions en suspens, arrêt du processus de paix en tête. Ce qui est sûr, c’est qu’elle n’a pas fini de faire bouger les lignes.

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