Le blogueur au ton impertinent, a été condamné à deux ans de prison ferme pour trafic de drogue. Retour sur une ombrageuse affaire qui a secoué la blogosphère marocaine.
Jeudi 14 juin, sous le soleil brûlant de Marrakech se déroulait au tribunal de première instance le procès de Mohamed Sokrate, blogueur et fervent défenseur des libertés individuelles. En fin d’après-midi, le verdict est tombé : Sokrate a écopé du maximum, soit deux ans de prison ferme et 5000 dirhams d’amende, pour détention et trafic de drogue. Le jeune blogueur avait été arrêté le 29 mai, à la sortie d’un cybercafé, au quartier Massira 1 de la ville ocre, ainsi que son père et son frère cadet, interpellés sur leur lieu de travail. Tous ont été accusés de détention et trafic de stupéfiants (440 grammes de cannabis), et ont été conduits au commissariat central. Deux heures plus tard, le père et Sokrate junior ont été relâchés, mais Mohamed, lui, a été incarcéré à la prison centrale de Marrakech.
Lignes rouges ? Connais pas
Autodidacte, le jeune homme —qui a quitté très tôt les bancs de l’école— est passionné d’art, de philosophie, etc. Dans ses posts publiés sur mc-sokrate. maktoobblog.com, il aborde aussi bien la vie politique marocaine que la pensée de Kant ou le cinéma de Tarantino. Le jeune homme d’origine tangéroise n’épargne personne sur son blog aux accents virulents, pas même le Mouvement du 20 février, dont il est pourtant l’un des membres fondateurs. A cette époque, il avait d’ailleurs été appelé par la commission Mennouni à donner son avis sur la nouvelle Constitution. “Sokrate avait alors proposé que les princesses puissent hériter du trône”, se souvient un de ses acolytes du M20, invité aussi par la commission royale. Depuis, Sokrate a pris ses distances avec le mouvement, mais a continué de militer sur le Net. Ses écrits sont de véritables “coups de poing” à l’encontre du Makhzen. Ils dénoncent, de manière frontale, la condition sociale des Marocains et critiquent la schizophrénie de nos compatriotes. Sa verve est sans détours et sa plume acérée. Ainsi, le jeune militant s’est souvent insurgé contre le conservatisme des intellectuels marocains, pointant du doigt leur dogmatisme. Et, souvent, ce poil à gratter 2.0 du Makhzen n’hésitait pas à franchir les lignes rouges (monarchie, religion), ce qui aurait été à l’origine de son incarcération. De fait, les proches du blogueur sont unanimes : “Sokrate a été arrêté pour ses idées ‘anarchistes’”. Le parallèle est tentant : le célèbre penseur grec Socrate, il y a 2400 ans, a été accusé de “corruption des jeunes gens et de non reconnaissance des dieux de la cité”. L’ONG Reporters sans frontières, a elle aussi remis en doute l’authenticité des accusations dans un récent communiqué.
Les indignés
Au lendemain de l’incarcération de Sokrate, la blogosphère marocaine s’est indignée, tout en remettant en question la version de la police. Pour Halima Lakhdim, blogueuse et responsable de son comité de soutien, “Mohamed a défendu ses idées à visage découvert et a osé défier le conservatisme ambiant. Cette affaire vise donc à le faire taire, lui et tous les défenseurs de la laïcité, de la liberté et du droit à la différence. Qu’on n’aille pas nous faire croire que c’est un dealer !” Vendeur ambulant de vêtements, Sokrate ne roulait pas sur l’or. Mais ses proches assurent que l’argent lui importait peu. “Mon fils n’a jamais vendu de haschich. Je le connais, ce qui l’intéresse réellement, c’est défendre les droits des gens”, a déclaré sa mère dans une vidéo postée sur Youtube. Un de ses avocats (Sokrate en a 17 !), Maître Abdelilah Tachefyn, convaincu de l’innocence de son client, est formel : “Si la police n’avait pas arrêté son père et son petit frère, il n’aurait jamais signé le procès verbal. Mais les inspecteurs s’en sont servi comme moyen de pression pour le faire craquer”. Son petit frère, va encore plus loin, affirmant que la police les aurait enlevés, lui et son père. “Deux policiers en civil nous ont menottés, avant de nous emmener dans une Mercedes immatriculée en France”, a-t-il dit. La défense a fait appel du verdict. Affaire à suivre…
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