Dans l’intimité du Maroc est un coup de projecteur sur le royaume au début du siècle dernier, à travers les clichés du photographe Gabriel Veyre. Zoom sur un pan de l’histoire marocaine encore méconnue.
Tout commence dans une vieille armoire de Haute-Savoie, en France. Philippe Jacquier y conserve les archives photographiques de son arrière-grand-père, Gabriel Veyre. Il décide un beau jour de les classer, puis de montrer au public ces photos prises sous nos cieux de 1901 à 1935. Aujourd’hui, et jusqu’en février 2013, l’exposition fait escale dans huit villes du royaume. “Je tenais à partager avec les Marocains leur patrimoine, leur faire découvrir le Maroc d’antan”, explique Philippe Jacquier. L’aïeul de ce dernier a été le photographe officiel du sultan Moulay Abdelaziz au début du XXème siècle.
Le souverain, connu pour se passionner pour toutes les nouveautés de l’époque, a fait appel à Gabriel Veyre car il est à la pointe dans le domaine de l’image : il maîtrise l’autochrome, premier procédé de photographie en couleur inventé par les frères Lumière. Gabriel Veyre, qui a fait le tour du monde pour les inventeurs du cinéma en tant qu’opérateur de cinématographe, veut continuer à découvrir le monde et répond à “l’offre d’emploi” de Moulay Abdelaziz. “L’occasion était excellente de voir un pays nouveau, plus mystérieux et plus fermé encore que tous ceux que j’avais parcourus jusque-là”, raconte le photographe dans son ouvrage “Dans l’Intimité du sultan”.
Le sultan artiste
Gabriel Veyre signe un contrat de trois mois avec Moulay Abdelaziz. Il passera finalement sept ans auprès du monarque comme “ingénieur de Sa Majesté Chérifienne”, faisant prendre la pose au sultan, ses proches et à certaines femmes du harem. Veyre donne aussi des cours sur l’autochrome au sultan, dont certains clichés sont même exposés. “Moulay Abdelaziz peut, à ce titre, être considéré comme le premier photographe marocain”, estime Philippe Jacquier. Mais Gabriel Veyre perd son poste quand Moulay Abdelaziz est destitué par son frère. Il ne quitte pas le Maroc pour autant : il travaille comme correspondant de l’hebdomadaire français de l’époque, L’Illustration, et se lance dans l’entreprenariat en fondant plusieurs usines. Il importera aussi la première Ford et créera Auto Hall. Fondu de “nouvelles technologies”, Gabriel Veyre installera une station TSF dans sa villa, d’où il transmettra la première émission radiophonique du pays. Le photographe était un touche-à-tout qui a tâté aussi à l’élevage exotique dans sa ferme pilote de Dar Bouazza. Il y élèvera des autruches, des moutons de l’Astrakan et tentera de croiser des zébus avec des vaches marocaines. En 1934, à l’âge de 63 ans, il décide de photographier le Maroc d’en bas, après s’être illustré en faisant poser le Maroc d’en haut. Gabriel Veyre entame un long voyage à travers le pays pour photographier paysages et gens à Casablanca, Tanger, Meknès, Fès, Marrakech et dans l’Atlas. Il réalise aussi, durant son périple, le premier film couleur du Maroc, qui permet de se faire une idée panoramique des villes, lieux et scènes de la vie quotidienne d’antan. Un document historique.
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