Mawazine, le festival du cinéma d’auteur de Rabat, Jazz au Chellah, le Théâtre national Mohammed V, la galerie Bab Rouah, la Bibliothèque nationale… Vue de loin, Rabat paraît un centre de rayonnement culturel et, en 2003, elle a même été déclarée capitale de la culture arabe. Pourtant, la réalité est bien loin de l’image d’Épinal que l’on veut lui donner. Des espaces, en principe, dédiés à l’art et à la culture y sont soit fermés soit sous-employés, voire détournés de leur fonction première. Visite guidée des lieux culturels fontomatiques de la capitale.
Théâtre Al Mansour. En attendant le budget
Le théâtre Al Mansour, lancé en 2004 dans le quartier populaire Yacoub El Mansour, a été ouvert pour créer une dynamique culturelle dans cette zone importante de la ville. Sa directrice, Bouchra Hraich, explique que “ce théâtre se trouve dans une situation compliquée. Il est sous la coupe d’un partenariat entre le ministère de la Culture et le conseil de la ville. Seulement, il ne dispose ni d’un budget de fonctionnement ni d’un conseil d’administration pour gérer un espace culturel de cette envergure”. En six ans, ce théâtre, qui dispose de plus de huit cents places, n’a pu ouvrir ses portes qu’à l’occasion de grands événements de la ville ou de spectacles financés par le Théâtre national Mohammed V. “J’attends avec impatience l’activation du partenariat entre la ville et le ministère pour pouvoir disposer d’un budget suffisant, et ainsi élaborer une programmation digne de ce nom”, affirme Bouchra Hraich, qui continue de faire avec les moyens du bord pour garder cet espace vivant.
Complexe Mehdi Ben Barka. 30 employés pour rien
Ancienne église du quartier l’Océan, le complexe culturel Mehdi Ben Barka n’a de culturel que le nom. En effet, ce complexe est fermé pratiquement toute l’année, si ce n’est pour accueillir quelques réunions de partis et syndicats. Une partie des locaux fut un temps dédiée à une activité sportive qui, elle-même, n’existe plus. Avec sa trentaine d’employés, ce complexe ne dispose ni de programmation culturelle, ni même de logistique pour monter des spectacles. Mehdi Piro, homme de théâtre, affirme que “c’est inadmissible de voir une situation pareille dans l’un des plus grands quartiers de la ville”. Avec un collectif associatif culturel de Rabat, il avait présenté un projet intégré de gestion culturelle des lieux de manière à assurer une offre artistique correcte. Les responsables de la ville, de la wilaya, de la Culture et de l’Intérieur ont applaudi l’initiative, mais “ils se sont tous barricadés derrière le fait qu’ils ne sont pas responsables de cet espace. Cela nous a pris plus d’une année pour aboutir à pas grand-chose”, explique l’artiste.
Dar Athaqafa. Tout a disparu !
Construit dans les années 80 par le ministère de la Culture en partenariat avec la wilaya de Rabat, ce bâtiment disposait d’un ensemble d’espaces qui participaient activement à la vie culturelle de la ville. Bibliothèque, espaces polyvalents pour toutes activités artistiques, Dar Thaqafa a, entre autres, abrité l’événement cinématographique qui fut à l’origine de Mawazine. Aujourd’hui, la bibliothèque n’existe plus, les espaces dédiés aux activités sont purement et simplement fermés au public ainsi que le jardin attenant. Il est pourtant situé au cœur de la ville, pire, il est adossé à la wilaya et au conseil de la Région ! Des administrations qui n’ont aucun lien avec la culture y ont des antennes pour toutes sortes de services administratifs. Que faut-il en déduire ?
Musée d’art contemporain. Neuf ans de chantier !
Faisant partie des grands projets culturels de Rabat, le Musée national d’art contemporain a été lancé en 2004 pour doter la ville d’une institution nationale censée conserver les œuvres des artistes marocains et édifiée sur une superficie de 6813 m2 avec un investissement qui s’élève à 200 millions de dirhams. Le ministère de la Culture contribue à son financement à hauteur de 44 millions de dirhams, le montant restant est assuré par le Fonds Hassan II. Depuis, trois ministres se sont relayés au département de la Culture sans pour autant que le chantier ne soit terminé. Situé au centre-ville, ce projet ne souffre d’aucune manière d’un manque de visibilité, mais le chantier s’éternise. Mieux encore, un cadre du ministère, spécialiste de l’histoire de l’art au Maroc, affirme que “une fois finalisé, les responsables de cette institution auront du mal à réunir une collection représentative de l’art contemporain marocain”. La date de 2013 a été avancée pour l’inauguration du Musée. Après neuf ans de chantier, il a intérêt à être grandiose !
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer