Bilan: les 120 jours de Saad Eddine El Othmani

Fier des premiers mois de "tout le gouvernement", Saad Eddine El Othmani la joue collectif. Il y gagne la bienveillance des autres chefs de la majorité. Une rupture avec le style Benkirane, en attendant des résultats et un vrai bilan.

Par

R. Tniouni

Par Youssef Aït Akdim

Ce lundi 11 septembre, à 17h, dans la torpeur de Madinat Al Irfane, le quartier universitaire de Rabat qui ne vit pas encore le rythme imposé par les étudiants, les berlines noires de ministres se faufilent. Le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani réunit sa majorité pour marquer le traditionnel rendez-vous des cent jours. Nommé le 5 avril dernier, l’actuel gouvernement a reçu la confiance du parlement le 26 du même mois. Les fameux 100 jours sont donc passés depuis plusieurs semaines, quelle que soit la méthode de calcul. D’où cette pirouette: « bilan de quatre mois de travail du gouvernement: 120 jours, 120 réalisations« .

Véritable bilan d’étape pour ses initiateurs, méthode Coué pour les critiques, ce séminaire de rentrée a pour principal mérite de remotiver l’équipe El Othmani et sa majorité, qui en avaient bien besoin. L’occasion d’oublier le faux départ du printemps marqué par la longue crise dite du « blocage« , le Hirak du Rif, et sanctionné, enfin, par le dernier discours du Trône à la tonalité sévère pour la classe politique dans son ensemble.

Dans l’amphithéâtre Meziane Belfqih, c’est l’ambiance brouillonne d’une rentrée des classes. Il y a les retardataires: un parlementaire du Mouvement populaire croit savoir que l’on attend « l’avion d’Agadir ». Le matin même, plusieurs ministres ont fait le déplacement dans la ville balnéaire pour l’ouverture du sommet Climate Chance.

Il y a les retrouvailles: le ministre de la Santé, El Houcine Louardi, se place dans les rangs de derrière, aux côtés du turbulent Mohamed Ouzzine. Quelques instants plus tard, Mohand Laenser arrive. Et déjà la photo de classe: le secrétaire général du Mouvement populaire rejoint sur l’estrade Aziz Akhannouch (RNI), Saad Eddine El Othmani (PJD), Mohamed Sajid (UC), Driss Lachgar (USFP), Abdelouahed Souhaïl (PPS) et Slimane El Amrani (PJD).

El Othmani et Akhannouch Crédit: R. Tniouni
El Othmani et Akhannouch (d.) Crédit: R. Tniouni

Si ce dernier représente le PJD, c’est que, sans surprise, Abdelilah Benkirane est absent. Slimane El Amrani sera le seul des représentants de la majorité à ne pas prendre la parole. El Othmani l’expliquera plus tard aux élus au cours d’une réunion à huis clos: « On m’a demandé pourquoi Slimane El Amrani n’a pas parlé. Il est présent à la demande du secrétaire général, et Benkirane a dit que c’était le chef du gouvernement qui portait la parole du PJD dans les réunions de la majorité« .

Lors de sa prise de parole, El Othmani a pourtant parlé davantage comme un capitaine d’équipe qu’au nom de son parti. Après la lecture de la Fatiha à la mémoire de la mère de Nabil Benabdallah, décédée le jour même, le chef du gouvernement a défendu la « volonté commune de placer l’intérêt supérieur de la nation au-dessus de toute considération partisane », et vanté « la logique d’entraide qui règne au sein du gouvernement ».

El Othmani, qui a choisi de rencontrer certains médias en privé quelques jours auparavant, dément toute cacophonie gouvernementale: « les résultats que nous avons obtenus nous donnent de la confiance, la certitude que ceux qui exagèrent les contradictions et inventent des tensions au sein de la majorité seront déçus« . Il dénonce au passage les « rumeurs et les intox » sur la démission du gouvernement ou de certains de ses membres. Mustapha Ramid, présent dans les premiers rangs, ne bronche pas.

Lire aussi: Le bilan des cent jours du gouvernement El Othmani

Surtout, El Othmani souhaite resserrer les rangs de la majorité: « Le débat entre nous peut être fort et vif, il est le bienvenu. L’important est l’efficacité et la complémentarité dans notre action. Cela passe par la coordination et le suivi de l’exécution« .

Le chef du gouvernement assume personnellement ces deux fonctions, dont il donne pour preuve le climat et la régularité des réunions du conseil de gouvernement, la mise en place d’un programme de mesures urgentes (fin avril), l’élaboration d’un plan d’exécution du programme gouvernemental (juillet) et d’une commission interministérielle de suivi (août).

Autre exemple de la méthode du fqih-psychiatre: les visites ministérielles sur le terrain. La première à Beni Mellal a servi de test, et devrait être dupliquée dans les autres régions. Pour le reste, El Othmani n’a pas du tout détaillé le bilan, renvoyant au document publié par ses services et consultable ici. La traduction en français des principaux éléments est dévolue à l’agence de presse MAP. Tout juste a-t-il souligné les priorités déjà énoncées: éducation, santé, emploi.

Enchaînant sur les propos du chef du gouvernement, les autres chefs de la majorité ont tous adopté le même ton. Aziz Akhannouch a présenté un « témoignage de l’esprit de coopération et de sérieux au sein du gouvernement« . Le patron du RNI a également vanté la « rapidité dans la prise de décision » dont fait preuve El Othmani. Mohand Laenser a choisi d’ironiser sur l’exercice des 100 jours. « C’est juste une tradition. Si c’était déterminant, il faudrait organiser des élections tous les 150 jours« .

Le plus important pour lui, c’est que « les quatre premiers mois du gouvernement [El Othmani] sont plus positifs que ceux du gouvernement précédent » et que l’on n’entende plus de discours de tel parti de la majorité s’appropriant le travail de la majorité.

De son côté, Driss Lachgar a « félicité, au nom de l’USFP, le chef du gouvernement pour sa conduite du travail en commun« , promettant de « soutenir toutes les décisions du gouvernement, quelle qu’en soit l’origine« . Un satisfecit également affiché par Mohamed Sajid qui s’est dit « fier de donner l’image de l’harmonie au sein de la majorité et du discours du chef du gouvernement ».

Abdelouahed Souhaïl, visiblement ému, a livré l’allocution la plus politique, placée sous le signe du long processus de démocratisation entamé « depuis les années 1970 ». Considérant que la constitution de 2011 est « très avancée », il a conclu: « A nous de l’appliquer. Notre peuple a des attentes de plus en plus grandes, à nous d’être à la hauteur ». Amen.

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Abdelouahed SOuhail du PPS. Crédit: R. Tniouni
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Mohamed Sajid Crédit: R. Tniouni

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