L'OCP risque-t-il de perdre le marché européen?

La Commission européenne s'apprête à adopter une proposition de règlement qui risque de bloquer le phosphate marocain. Un récent rapport interne du parlement européen penche pour l'OCP sans toutefois remettre en cause le projet de règlement. Détails.

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Le siège de l'Office chérifien des phosphates (OCP) à Casablanca. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

Le leader mondial des phosphates mène quotidiennement des « guerres » internationales pour préserver ses intérêts. Celle qui est en cours depuis quelques mois, annoncée précédemment par Telquel, concerne une nouvelle législation pour réglementer l’entrée des phosphates et des engrais sur le territoire européen. L’OCP est concerné, car ce projet de loi propose une mesure, qui si elle est appliquée, fermera les portes de l’Europe aux engrais marocains.

En effet, Bruxelles souhaite instaurer une limite stricte concernant la teneur en cadmium, un métal qui se trouve naturellement dans les roches de phosphates et se transmet dans les engrais. L’UE propose d’abaisser la limite autorisée de cadmium dans les engrais à 60 mg/kg, puis à 40 mg/kg à partir de 2021, et à 20 mg/kg à l’horizon 2030. Un écart considérable, en comparaison aux teneurs actuelles contenues dans le phosphate marocain, qui varient de 29,5 à 72,7 mg/kg selon le site d’extraction de la roche et du type d’engrais produit.

Après plusieurs mois de débats à ce sujet, la Commission européenne, en charge de ce dossier, émettra bientôt un texte de loi fixant le taux maximum de cadmium contenu dans les phosphates éligible à la commercialisation en Europe.

En prélude à cette décision, la direction générale des politiques internes au sein du parlement européen a publié en février dernier un rapport qui traite des aspects scientifiques sous-réglementaires dans le domaine des engrais. « L’objectif principal du règlement proposé sur les produits fertilisants marqués CE est d’harmoniser les normes pour les engrais organiques et les niveaux de cadmium pour tous les engrais commercialisés en Europe », est-il rappelé sur le document. Et d’ajouter: « il est bien établi que le règlement aura une incidence sur le marché, par ex. > 50% des engrais phosphatés actuels sur le marché de l’UE dépassent la limite la plus stricte qui serait adoptée après 12 ans« .

Dans leurs recommandations, les experts qui ont planché sur la réalisation de ce rapport ont déconstruit les deux argumentaires principaux sur lesquels se fonde le projet de règlement. La suppression du cadmium par procédé industriel (décadmiation) est l’ultime carte jouée par la CE pour maintenir son règlement. Ce procédé « n’est pas économiquement faisable à ce stade », affirme le rapport de la direction générale des politiques internes, qui verse ainsi dans le même sens que OCP et Fertilizers Europe, association des distributeurs de fertilisants européens.

L’autre argument qui a été relativisé par ce rapport est celui du risque sanitaire. « Les évaluations des risques concernant le cadmium (…) ont indiqué que le risque pour la santé humaine dû au cadmium ne pouvait pas être exclu. En même temps, on peut trouver un certain nombre de déclarations dans ces documents illustrant que le risque est considéré comme faible« , lit-on. D’après la même source, « il est instructif de rappeler que le risque actuel pour le cadmium est faible pour la population générale non fumeuse en Europe ».

L’enjeu de ce règlement est donc majeur pour OCP. Les prochaines semaines seront décisives pour son avenir sur le marché européen.

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