Les libraires de l'initiative royale «un million de cartables» toujours impayés

L'opération royale « un million de cartables » court-elle à sa perte ?

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Crédit : Yassine Toumi.

Le 18 septembre 2015, Mohammed VI lançait la dernière édition de l’opération un million de cartables dans une école de Tétouan. Cette initiative royale lancée en 2008 et reconduite chaque année consiste à donner gratuitement des livres et des fournitures scolaires aux élèves des écoles publiques (à toutes les classes primaires du royaume et à tous les collèges des zones rurales).

Problème : les libraires qui participent à l’opération attendent leurs dus. Montant approximatif de l’ardoise du ministère : 400 millions de dirhams, calcule grossièrement Ahmed Filali, président de l’Association marocaine des éditeurs. « Aucune facture n’a été payée pour l’année 2015-2016 alors que les livraisons ont eu lieu entre août et septembre. Et pour l’année 2014-2015, on compte toujours 40 % d’impayés », nous explique cet éditeur en colère. Pourtant, d’après lui, le contrat prévoit le paiement de 70 % de la commande avant la fin octobre puis 30 % avant fin décembre.

Or, ce retard commence à avoir des conséquences sur la santé financière des libraires, mais aussi des éditeurs et même des imprimeurs. Dans les grandes villes, les libraires ont plusieurs marchés mais dans les villes de campagne, l’opération constitue le gros de leur activité. Environ un millier de libraires seraient liés au ministère par un contrat, estime grossièrement Ahmed Filali. Alors que la loi de délai de paiement est rarement respectée, les libraires sont contraints de payer leurs fournisseurs étrangers (espagnols et italiens principalement).

Une opération dépendante des sponsors

Mais comment expliquer ce dysfonctionnement ? D’après Ahmed Filali, c’est le montage financier originel qui pose problème. Il explique que sur les quelque 400 millions de dirhams à débourser chaque année, seuls 100 millions sont inscrits dans la loi de finances. Le reste doit être financé par des sponsors, entreprises privées et publiques. Il semble que le ministère peine à convaincre ces mécènes. D’ailleurs, toujours d’après Ahmed Filali, l’administration utiliserait cet argument pour temporiser les professionnels du secteur : « L’année dernière déjà nous avons menacé de ne pas participer. Ils nous ont dit ‘ si vous publiez ce communiqué, les sponsors vont refuser de suivre ‘ », nous raconte le président de l’association, attristé. « L’objectif de cette opération est sublime : combattre la perdition scolaire. Mais malheureusement sa gestion risque de lui porter atteinte », craint-il.

Quelques libraires ont manifesté devant le ministère de l’Education nationale le 14 janvier. La division du soutien scolaire, en charge du dossier, aurait promis de leur régler la dette de l’année 2014-2015 avant la fin de janvier.

Le ministère de l’éducation nationale n’a pas donné suite à nos sollicitations pour commenter les critiques des libraires.

Lire aussi : Edito – La mort de l’école publique

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