Marchands ambulants: ce qui a provoqué la colère du roi

Pourquoi Mohammed VI a-t-il annulé à la dernière minute le lancement d’un programme de restructuration et d’aide pour le commerce ambulant à Rabat ? Éléments de réponse.

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Crédit : FredArt / Flickr

« Ils ont voulu faire inaugurer au roi une place vide dont le terrain, appartenant à la ville, n’est même encore acquis au profit du projet », résume un haut responsable à la wilaya de Rabat. Voilà ce qui a en partie provoqué la colère du roi Mohammed VI le 25 mars dernier. Ce mercredi-là, le roi a pris tout le monde de court en annulant la cérémonie de lancement du plan national pour la réhabilitation du commerce à l’étalage qui devait être présenté par le ministre de l’Intérieur Mohammed Hassad et celui de l’Industrie et du commerce Moulay Hafid Elalamy à Rabat. Le « terrain vague » situé à Hay Ennahda devait logiquement abriter des équipements pour accueillir des « ferrachas ». Mais le jour J, rien n’était prêt. Le monarque demande alors aux concernés de revoir leur copie, réalisée semble-t-il à la hâte.

La coordination des marchands ambulants de la ville de Rabat rejette en bloc ce projet, dont elle ignore tout. «Nous n’avons jamais été sollicités pour participer à son élaboration ou même impliqués à titre informatif», commente Saïd Moutawakkil, président de la coordination. Cette dernière a d’ailleurs été d’autant plus surprise par l’annonce du 25 mars dernier, explique son président, qu’elle a mené des discussions avec le ministère du commerce quelques semaines auparavant pour organiser la profession. Des réunions qui sont restées sans suite, ajoute Saïd Moutawakkil.

« Consécration de l’anarchie »

Entre temps, les deux ministères de tutelle ont élaboré leur mystérieux plan national. Il est devenu presque secret défense depuis la colère royale. Toutefois, quelques langues se délient, révélant des bribes d’informations. L’idée retenue par les équipes de Hassad et Elalamy serait de mettre en place de grands terrains et de les équiper d’une façon sommaire, avec des stands ou des chapiteaux. Ces espaces auraient ensuite été mis à disposition gratuitement des marchands ambulants recensés. Et le modèle aurait été généralisé sur tout le territoire national. «C’est la consécration de l’anarchie», estime Fouad El Khattabi, secrétaire général de l’Organisation démocratique des commerçants et artisans (ODCA) qui travaille de son côté sur un projet indépendant.

Certains font un parallèle entre ce programme et un autre projet réalisé à Sidi Bernoussi à Casablanca.  Il semble étrangement similaire à ce qui allait être fait à Rabat. Au souk El Bernoussi, près du lycée Mokhtar Soussi, des chapiteaux ont été mis en place et équipés en eau et électricité. Les marchands ambulants qui voudraient s’y installer devraient s’acquitter d’une avance et d’une redevance.

Lire aussi : A Sidi Bernoussi, manifestation des vendeurs ambulants en colère

Quoi qu’il en soit, le projet n’est pas encore opérationnel et aurait lui aussi été boudé par le roi. Contacté pour confirmer ces informations, le ministère de l’Intérieur est resté injoignable. Du côté de Moulay Hafid Elalamy, ce dernier n’avance qu’une rapide réponse :

Ce qui compte est de faire du bon boulot. Nous allons mettre l’énergie qu’il faut pour livrer le niveau attendu.

En plus d’une décennie, des dizaines de millions de dirhams ont été investis pour trouver une solution à la situation des marchands ambulants et au moins quatre ministres ont successivement travaillé sur le dossier, sans arriver à mettre en place une stratégie efficace, visiblement : Driss Jettou (2002-2007) a commencé avec une expérience peu concluante, Ahmed Réda Chami (2007-2012) a ensuite mis sur pied une stratégie assez complète, reprise par Abdelkader Amara mais rejetée par Moulay Hafid Elalamy, qui a préféré repartir de zéro.

Plus d’infos dans le TelQuel n°663 en kiosques à partir du 3 avril.

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