Le feuilleton opposant les médias français et le gouvernement est loin d’être terminé. Alors que l’affaire de l’émission de la chaîne France 24 est encore dans les mémoires, deux journalistes français de l’agence Premières lignes ont été arrêtés ce dimanche 15 février au siège de l’Association marocaine des droits de l’Homme à Rabat puis expulsés. Des policiers sont arrivés dans les locaux de l’association, ils « ont arrêté les deux journalistes et saisi leur matériel », a déclaré à l’AFP un responsable de l’AMDH, Youssef Rissouni.
Expulsés du territoire, « faute d’autorisation »
Les journalistes en question étaient en train de filmer un documentaire portant sur le mouvement du 20-Février, selon le président de l’AMDH, Ahmad El Haij, contacté par Telquel.ma. Mais Paul Moreira, patron et fondateur de Premières Lignes, a indiqué dans un communiqué que les deux journalistes de l’agence, Jean-Louis Perez et Pierre Chautard, réalisaient un documentaire pour France 3 sur l’économie au Maroc.
Quoi qu’il en soit, le tournage n’était pas du goût de la wilaya de Rabat qui, dans un communiqué publié dimanche et relayé par la MAP, assure que les intéressés se livraient à des « agissements suspects et illégaux en violation de la règlementation en vigueur en matière de reportage de presse ».
Le ministère de la Communication a donné plus d’explications dans un autre communiqué :
Aucun de ses services n’a accordé d’autorisation de tournage à une chaîne française pour la réalisation d’un reportage. Les autorités de la wilaya, après avoir été informées des agissements suspects et illégaux des intéressés, en violation de la règlementation en vigueur en matière de reportage de presse, ont essayé à maintes reprises d’engager un dialogue avec eux (les journalistes, ndlr) à leur résidence à l’hôtel, ainsi que sur la voie publique pour les avertir de la nécessité de disposer d’une autorisation préalable des institutions compétentes.
Selon les déclarations de Paul Moreira à l’AFP, les journalistes avaient demandé depuis plusieurs semaines une autorisation à Rabat sans avoir de réponse, ce qui leur avait fait croire qu’ils pouvaient travailler dans la légalité.
Une militante agressée lors de l’intervention policière
Du côté de l’AMDH, la réaction n’a pas tardé, notamment avec la publication d’un communiqué qui contredit la version des officiels. Tout d’abord, on y apprend que ce sont plus de 40 policiers en civil qui ont investi les locaux de l’association. Ensuite, le comportement des autorités n’aurait pas été des plus respectueux : les policiers auraient proféré des insultes, des menaces mais auraient aussi agressé une des militantes de l’AMDH, Rabia Bouzidi. Ils ont par la suite procédé à des fouilles au sein des locaux de l’association, « alors même qu’aucun texte ne leur permettait de le faire », indique le communiqué.
Par ailleurs, le président de l’AMDH, Ahmed El Haij, a tenu à donner quelques précisions. Ainsi, selon lui, rien n’a été filmé à l’intérieur des locaux de l’AMDH. Des membres des services de sécurité s’étaient rendus dans la matinée au siège de l’association « pour nous demander de leur livrer deux journalistes français (…) mais nous avions refusé », a expliqué à l’AFP le président de l’AMDH.
Ces policiers « n’avaient produit aucune pièce d’identité ou mandat d’arrêt, mais ils nous ont dit que les journalistes n’avaient pas d’autorisation légale pour tourner au Maroc », a-t-il précisé. « Nous avons donc demandé aux journalistes s’ils avaient l’autorisation de tourner un reportage », indique à Telquel.ma Ahmed El Haij. « Comme la réponse était négative, on a de toute suite refusé de tourner quoi que ce soit », ajoute-t-il.
« Les demandes d’autorisations ont été faites il y a environ trois semaines, auprès des ministères de la Communication, de la Culture et de l’Intérieur marocains », a précisé Benoît Bringer, le rédacteur en chef de l’agence Premières lignes à FranceTvInfo. Et d’après lui, La réponse était claire : « Aucune accréditation délivrée aux journalistes français à cause des tensions diplomatiques ». Benoît Bringer justifie :
Mais si on attend les autorisations de tournage dans des pays où il n’y a pas de liberté de la presse, on ne travaille pas.
Rappelons que l’arrestation de ces deux journalistes est intervenue au lendemain d’une visite au Maroc du ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, après une année de brouille diplomatique entre les deux pays et la suspension de la coopération judiciaire, qui n’a été rétablie que fin janvier.
Le 23 janvier, les autorités étaient intervenues à Rabat pour empêcher le tournage d’une émission de la chaîne arabophone de France 24, évoquant là encore l’absence d’autorisation.
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