Football. Zaki, balle au centre

Par

Baddou Zaki est le nouveau sélectionneur national. 
Un choix qui cache des considérations purement 
financières et politiques. Décryptage.

Souvenez-vous, c’était il y a dix ans : le 14 février 2004, au stade olympique de Radès, dans la banlieue de Tunis, les Lions de l’Atlas dominent la finale de la CAN, face à l’équipe tunisienne soutenue par 70 000 supporters. Les deux équipes sont à égalité et les locaux ont presque un genou à terre. Sur une faute du gardien Khalid Fouhami, irréprochable pendant toute la compétition, l’attaquant tunisien Ziad Jazairi marque le but de la victoire. Dans la tribune, le président Ben Ali jubile, puis pose, tout sourire, avec les joueurs tunisiens à côté du trophée continental. Sur la pelouse, un homme inconsolable pleure comme une madeleine dans les bras de ses assistants : le sélectionneur marocain, Baddou Zaki. Malgré la défaite, la frustration et le sentiment d’avoir raté un titre mérité, les Marocains ont réservé un accueil de champions à l’équipe nationale et son entraîneur. Dans l’imaginaire sportif national, Baddou Zaki est resté l’homme qui a failli ramener au Maroc la deuxième Coupe d’Afrique de son histoire. C’est cette image qui a incité les nouveaux dirigeants de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) à le coopter comme sélectionneur national. Ni le Hollandais Dick Advocaat, ni l’Italien Giovanni Trapattoni, pourtant vieux briscards du football mondial, n’ont été retenus pour reconstruire une équipe nationale en pleine déconfiture. « Par rapport aux autres candidats, Baddou Zaki avait l’atout de la CAN 2004, car le public marocain est resté toujours nostalgique de cette période », nous explique Fakhreddine Rajhi, ancienne gloire du football marocain et coéquipier de Zaki au WAC, au début des années 1980. « La FRMF a fait le choix de la sécurité et ne voulait pas prendre de risque. Elle a donc opté pour un sélectionneur qui jouit d’une grande popularité, bien que son bilan, en tant qu’entraîneur dans le championnat national, est plus que mitigé », confie un fin observateur du football marocain. Mais il  n’y a pas que la popularité de Zaki qui explique ce choix.

Un salaire « décent »

Tout le monde se souvient de la polémique suscitée par le salaire supposé de l’ancien sélectionneur national, Eric Gerets. Le choix de Zaki permet d’éviter le scandale et étouffer dans l’œuf le débat politique et éthique sur la nécessité de recruter un entraîneur étranger, qui reçoit l’équivalent d’un demi-siècle de SMIG par mois, pour diriger 11 hommes en short. « Avec Zaki, on va éviter une nouvelle hystérie collective sur la question du salaire du sélectionneur national », résume notre source. Quand on sait que le salaire mensuel de Dick Advocaat à la tête de l’équipe nationale de Russie était de 3 millions de dirhams, et celui de Trapattoni avec l’Irlande avoisinait 200 millions de dirhams par an, on comprend aisément l’option Baddou Zaki, qui touchera quand même 500 000 dirhams par mois. « La question financière a fortement joué en faveur de Zaki, car il était inconcevable, dans les circonstances actuelles, de faire un pont en or aux cadres étrangers », résume Fakhreddine Rajhi. Malgré tout ce crédit de sympathie et les avantages que représente le choix de Zaki, une question cruciale demeure en suspens : est-ce que les objectifs fixés par les dirigeants de la FRMF sont tenables en si peu de temps, notamment la victoire à la prochaine CAN, organisée au Maroc en janvier 2015 ? « Dans l’équipe de 2004, il y avait des joueurs avec une forte personnalité qui savaient encadrer les autres, ce qui facilitait le travail de l’entraîneur. Aujourd’hui c’est une denrée rare. Les assistants de Zaki, notamment Hadji, doivent jouer le rôle de grand frère et de tampon entre joueurs et entraîneur », commente Rajhi. « Zaki a un côté chef de commando, il peut mettre en place rapidement une équipe capable de relever le défi. Mais il peut aussi facilement entrer en conflit avec certains joueurs de talent, pour des questions d’ego », fait remarquer ce connaisseur du football national. Les prochains matchs amicaux seront d’excellents tests pour juger la méthode Zaki.  

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer