Contrats. La face cachée de l’assurance-vie

Ni les frais significatifs, ni les rendements de plus en plus faibles ne découragent les épargnants à souscrire des contrats d’assurance-vie. ?Zoom sur le placement bon père de famille préféré des Marocains.

L’assurance-vie ne se sera pas démarquée par ses performances en 2013. En faisant le tour des contrats d’épargne de toutes les compagnies de la place, il ressort que la barre est établie à moins de 5% de rendement. En haut du podium figure Atlanta-Sanad qui fait bénéficier ses clients d’un taux de 4,80%. Juste après, viennent Wafa Assurance et Axa Assurance Maroc qui proposent une rémunération de 4,50%, tandis que RMA Watanya se contente de 4%.

Comme le veut la coutume, les autres compagnies qui n’ont pas encore dévoilé leurs taux ne devraient pas faire de zèle et n’iront pas au-delà des 5%, de l’avis des courtiers en assurances. Au passage, ces derniers sont actuellement les seuls à communiquer officieusement les taux de rendement de l’assurance-vie, les compagnies ayant fait le choix de la discrétion depuis que leurs produits ont commencé à rapporter moins. Une tendance qui ne date pas d’hier.

Les rendements dégringolent

En comparaison avec l’année 2012 déjà, les rendements de l’assurance-vie ont fondu de manière significative. Atlanta-Sanad était montée à près de 5,30% en 2012, soit 0,5 point de rendement de plus que ce qui est proposé actuellement. Idem pour Wafa Assurance dont le produit a perdu 0,25 point entre 2012 et 2013. Encore en 2011, les compagnies poussaient jusqu’à 6% de rendement.

En remontant plus loin, il y a même lieu de parler de fuite en avant des taux de l’assurance-vie. En effet, jusqu’à la fin des années 1990, les rendements étaient immanquablement à deux chiffres, selon les taux historiques recueillis auprès des courtiers. A titre d’exemple, Wafa Assurance a servi entre 1992 et 1996 plus de 10% sur ses contrats. La baisse intervient au début des années 2000 et les rendements n’ont cessé de perdre du terrain depuis. Cette issue était inévitable.

La faute aux marchés

Il faut en effet savoir que pour faire fructifier l’argent des particuliers qui optent pour l’assurance-vie, les compagnies choisissent la facilité en misant sur des placements peu risqués, les obligations privées et surtout les bons du Trésor. «?Ces derniers représentent 70 à 80% des portefeuilles de placement constitués par les assureurs », assure un spécialiste de l’assurance. «?Vu que jusqu’en 2000, les rendements des bons du trésor dépassaient les 10%, cela a grandement profité à l’assurance-vie. Mais quand la performance de ces instruments s’est mise à décliner, les rendements des contrats ont également commencé à piquer du nez?», relate notre expert.

Un autre coup de malchance est venu compliquer les affaires des assureurs. «?Jusqu’à il y a peu, on pouvait tirer profit du placement en actions pour amortir en partie le choc des bons du Trésor et soutenir les rendements des contrats d’assurance-vie?», confie un directeur au sein d’une compagnie de la place. Mais avec le coup de blues du marché boursier ces dernières années, les assureurs se retrouvent dos au mur. Cela, couplé à une conjoncture toujours défavorable sur le marché des obligations d’Etat et privées, explique la déconfiture persistante des performances des contrats d’épargne.

Attention aux frais

Cette diète forcée des rendements dicte aux épargnants d’être plus attentifs aux frais qu’ils paient sur leurs contrats. Car il faut bien comprendre qu’un contrat d’assurance-vie génère des charges, un point sur lequel les compagnies ne communiquent pas spontanément. Cela veut aussi dire, au passage, que les taux de rendement que les assureurs mettent en avant ne sont en fait que des rémunérations brutes dont il faut encore retrancher des coûts. La formule générique que l’on peut lire dans les contrats d’épargne-retraite à ce sujet, explique que «?pour couvrir les frais de fonctionnement du compte d’épargne-retraite, la compagnie prélève des frais d’acquisition sur chaque prime d’épargne périodique et versement supplémentaire, et des frais de gestion sur l’épargne gérée chaque année?». Il existe donc deux types de coûts. Les premiers sont les frais d’acquisition qui se montent en général à 3%, selon les tarifs constatés sur le marché. Cette charge est prélevée directement sur chaque cotisation versée par le client, qu’elle soit régulière ou exceptionnelle. En termes clairs, quand le client verse 100 DH sur son contrat, ce ne sont en fait que 97 DH qui sont effectivement capitalisés. Viennent ensuite les frais de gestion. Ceux-ci varient légèrement d’une compagnie à l’autre. RMA Watanya et Wafa Assurance pratiquent 0,05% quand Axa applique 0,06%. Du reste, ces frais sont prélevés à la fin de chaque année après revalorisation.

Charges incontournables ?

Auprès des compagnies d’assurance, ces coûts sont présentés comme incontournables. «?Derrière chaque contrat d’assurance placé c’est tout un réseau qu’il faut rémunérer. Il faut également couvrir les charges de gestion nécessaires à ces produits?», justifie un directeur au sein d’une compagnie de la place. «?Et après tout, du fait de la capitalisation permise par les contrats d’épargne-retraite le coût pour le client est grandement allégé?», conclut-il. Reste que sous d’autres cieux, les compagnies d’assurance mettent en avant les niveaux de frais des contrats d’épargne, comme arguments commerciaux. En France par exemple, des contrats sans frais sont proposés aux clients. En attendant d’y arriver au Maroc, les épargnants ont tout intérêt à rapporter systématiquement le rendement des solutions d’assurance-vie aux taux de frais figurant dans les contrats pour se retrouver dans l’offre du marché.  

Astuce. Optimisation fiscale 

Choisir le contrat qui offre le meilleur rendement avec un minimum de frais n’est pas la seule clé pour en tirer avantage. Des efforts d’optimisation fiscale s’imposent aussi pour tirer profit de ce placement. Il faut d’abord savoir que les souscripteurs à l’épargne-retraite bénéficient de certains avantages fiscaux. Deux options au choix s’offrent à eux. La première consiste à déduire intégralement de son salaire imposable les primes versées au contrat d’assurance-vie. Dans ce cas, l’épargnant peut tirer profit d’un abattement de 40% sur le capital accumulé, au lieu d’être taxé plein pot au titre de l’Impôt sur le revenu (IR). L’autre option ne prévoit aucun avantage sur le versement des primes, mais en fin de contrat, le capital versé échappe à toute fiscalisation. ?Il faut aussi préciser que ces deux options sont soumises à deux conditions : le contrat doit courir sur 8 ans et l’âge du retraité doit dépasser 50 ans au moment de la liquidation.

Mais une astuce soufflée par les experts permet de contourner ces règles en profitant des deux options de défiscalisation à la fois. Il s’agit de souscrire à plusieurs contrats avec un petit capital. L’idée est que le capital constitué dans chaque contrat se maintienne en dessous du seuil d’exonération de l’IR, ce qui permet à l’épargnant d’y échapper. Si, sur toute la durée des contrats, l’épargnant a opté pour la déduction de ses primes de son salaire imposable, il passe entre les mailles du fisc.  

 

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