Sahara. Une affaire royale

Par

Le gouvernement a désormais son mot à dire sur la gestion de la première cause nationale via l’application des recommandations du CESE. Mais le courage politique semble faire défaut.

Depuis toujours, la monarchie a été seule aux commandes pour gérer le conflit du Sahara. Toutes les grandes inflexions ont été pilotées directement par le Palais, de la Marche verte jusqu’au plan d’autonomie et la reprise du dialogue avec le Polisario. Même le dernier rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été commandé par le souverain. Mais ce texte marque en quelque sorte un point de rupture dans la gestion du dossier. La monarchie, sentant la première cause nationale prendre une tournure défavorable au Maroc, semble refiler la patate chaude au gouvernement. Sobrement intitulé « Modèle de développement pour les provinces du sud », le rapport se veut comme une réflexion pour la création d’une économie régionale intégrée, optimisée par un nouveau modèle de gouvernance, tout en préconisant le démantèlement du système des rentes. Et c’est en principe au gouvernement de trouver le moyen d’appliquer ces recommandations. « Le gouvernement et le parlement doivent maintenant s’approprier notre travail. Nous avons besoin d’une mise en œuvre progressive et volontariste tout en menant des actions à court terme », répètent en chœur les chevilles ouvrières du CESE.

L’Exécutif tétanisé

Le gouvernement Benkirane est ainsi censé entrer en jeu dans la gestion de ce dossier crucial pour la stabilité du pays. L’éviction de Saâd-Eddine El Othmani des Affaires étrangères en faveur de Salaheddine Mezouar, plus en phase avec les hommes du Palais, pourrait être interprétée comme un signal. Mais jusque-là, le gouvernement n’ose pas passer à l’action, sans doute tétanisé par l’ampleur du dossier. Pourtant, l’urgence est bien palpable. Après s’être trop longtemps reposé sur les lauriers de son plan d’autonomie, le Maroc a découvert avec stupeur une population sahraouie militante, lassée d’attendre la réalisation de vagues promesses. Voire radicalisée par l’approche sécuritaire qui prévaut encore dans les provinces du sud.

Et notre diplomatie ne devrait pas tarder à se retrouver encore une fois confrontée à une nouvelle crise. En effet, tous les ans à la fin du mois d’avril, le Conseil de sécurité de l’ONU se penche sur ce morceau de continent. En 2013, le pire a été évité de justesse : les Etats-Unis ont annoncé qu’ils comptaient demander l’extension du mandat de la Minurso aux droits de l’homme… avant de se raviser quelques jours plus tard. Pour le royaume chérifien, une telle mesure aurait été un cuisant revers : la souveraineté déjà précaire du Maroc sur le Sahara aurait été mise à mal.

En fixant des objectifs précis et en y adjoignant les moyens financiers ainsi que les mesures de gouvernance adéquates, le rapport du CESE est qualifié unanimement de travail de qualité. C’est son sérieux qui nous a valu un communiqué assez favorable sur la question du Sahara de la part de la Maison Blanche au lendemain de la visite de travail de Mohammed VI. Mais c’est loin d’être une garantie suffisante : la question de l’observation des droits de l’homme par la Minurso peut encore ressurgir. Pire encore, la non-activation des recommandations du CESE risque de porter un nouveau coup dur à la crédibilité du royaume auprès des puissances mondiales. Benkirane devrait s’inviter dans la gestion de ce dossier en enclenchant la dynamique de l’application de la feuille de route du CESE. Mais aura-t-il le culot de doubler la monarchie sur sa droite ?

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer