“Islamiste et pas (trop) censeur...”

Smyet bak ?
Mohamed Ben Bouchaïb.

Smyet mok ?
Fayza Jbilou.

Nimirou d’la carte ?
G 31 01 44.

Nimirou d’la carte de presse ?
2508. C’est aussi un numéro que je n’oublie jamais.

Travailler à Attajdid, ça ne vous manque pas ?
Je pourrais même parler d’un vide. Le travail de journaliste permet une interactivité qu’on ne trouve nulle part ailleurs et une certaine influence, loin des contraintes qu’induit la responsabilité ministérielle. Journaliste, on est le porte-parole du peuple.

On surnomme berrah le porte-parole du gouvernement. Cela ne vous dérange pas ?
Je ne fais pas attention aux sobriquets. Mon seul souci est d’être à la disposition de tout le monde pour fournir des informations officielles, quitte à déplaire. Cela fait beaucoup de travail et je fais de mon mieux pour éviter la langue de bois.

Et votre déclaration concernant Taza, n’était-ce pas de la langue de bois ?
Absolument pas ! J’ai dit que les problèmes sociaux étaient exacerbés dans cette ville, mais que cela ne devait pas déboucher sur des violences à l’encontre des forces de l’ordre et sur l’atteinte à la sécurité des personnes et des biens. J’ai dit aussi que les personnes qui s’estimaient lésées pouvaient recourir à la justice ou demander réparation. Je suis le porte-parole du gouvernement, mais il ne faut pas compter sur moi pour travestir la réalité.

Le lendemain des élections remportées par votre parti, vous aviez dit que vous ne vouliez pas être ministre. Qu’est-ce qui a changé depuis ?
Je ne cours pas derrière un poste ou une responsabilité. En plus, vous savez qu’au sein du PJD, on ne se porte jamais candidat à quoi que ce soit, ce sont les autres membres qui vous proposent et c’est le secrétariat général qui tranche.

Et ça fait quoi d’être le benjamin du gouvernement ?
Je n’en tire aucune fierté. Le fait d’être le plus jeune ministre me motive davantage à apprendre de mes aînés. Je n’ai pas de complexes à leur demander conseils et explications. C’est le bon côté des choses quand on vient du journalisme.

Le nouveau Code de la presse sera-t-il, enfin, épuré des peines de prison contre les journalistes ?
Nous nous dirigeons vers l’annulation de la majorité de ces peines. Sur les 24 cas où la présente loi prévoit de la prison, nous n’en garderons que 2 ou 3 où il est question de la monarchie, du Sahara et de diffamation. Et même dans ces cas, le juge aura une grande marge de manœuvre pour trancher entre une peine de prison ou une amende.

En l’espace de quelques jours, vous avez interdit trois publications françaises : bonjour la censure islamiste…
Nous n’avons pas interdit des publications qui avaient émis des opinions, mais qui comportaient des dessins personnifiant Dieu et le prophète. Nous sommes conscients que la censure ne résout pas le problème, mais c’est une question hautement sensible pour toute la communauté musulmane. Même une résolution de l’ONU a interdit le dénigrement des religions.

Mais c’est toute la liberté d’expression, dans sa globalité, qui est menacée… 
Nous ne sommes pas au gouvernement pour combattre les libertés individuelles et la liberté en général. Et puis, il ne faut pas perdre de vue que ce gouvernement n’est pas celui du PJD puisqu’il est constitué par une coalition de quatre partis.

Cela vous dérange qu’on dise gouvernement “barbu” ou “à moitié “barbu” ?
La barbe est une “sunna” et ce genre de qualificatifs est réducteur. Les Marocains ont des ministres qui leur ressemblent. Et puis, ils ne sont que quatre membres du gouvernement à porter une barbe, dont ils prennent bien soin par ailleurs. La barbe ne fait-elle pas aussi partie des libertés individuelles ?

Et ceux qui vous appellent déjà “les islamistes de Sidna”, comme on disait “les socialistes de Sidna” ?
Pour moi, ce n’est pas une insulte. En tant que membre du gouvernement, nous travaillons sous la direction du roi et c’est une autre garantie pour le succès de notre mission. On nous jugera sur nos actions, non pas dans cinq ans, mais chaque année, comme le prévoit la Constitution.

Les patrons de la MAP et de la SNRT, donc des médias officiels placés sous votre tutelle, seront toujours nommés par le roi. Cela revient clairement à soustraire ces établissements au contrôle du gouvernement…
C’est un mauvais procès. La Constitution est claire là-dessus : elle stipule que tel responsable est nommé par le roi sur proposition du Chef du gouvernement et du ministre de tutelle. Dans les cas de la MAP et de la SNRT, comme pour les autres établissements publics, la loi prévoit des conseils d’administration où les ministres concernés sont présents. En fin de compte, la nouvelle Constitution soumet ces établissements au contrôle du parlement.

Bon, bon. Qu’est-ce qui pourrait vous amener à démissionner ?
Si je constate que je suis dans l’impossibilité d’honorer mes engagements vis-à-vis des électeurs qui ont fait confiance à mon parti.

Vous vous exprimez toujours en arabe lors des points de presse : quid des autres langues ?
Il m’arrive de donner des déclarations dans d’autres langues. Mais, pour des raisons pratiques, j’opte pour la langue arabe. Des interprètes, cadres du ministère, assurent la traduction simultanée en trois langues (français, anglais et espagnol). C’est la solution idoine pour tout le monde.

Qu’est-ce qui a changé dans votre vie de tous les jours ?
Venant de la direction d’un quotidien, en plus de mes responsabilités partisanes, le rythme n’a pas trop changé, mais la charge de travail a augmenté et je dois faire avec la logique administrative et des effectifs plus étoffés. Je travaille entre 12 et 15 h par jour.

Et plus terre à terre ?
J’avais l’habitude d’aller chaque vendredi manger le couscous avec ma mère à Kénitra. Comme c’est devenu impossible, j’ai trouvé une solution : c’est elle qui vient chez moi. Sur un autre plan, le flux des appels téléphoniques que je reçois a quadruplé. Cela me fait près de 100 appels par jour et je réponds à tout le monde.

Allez-vous changer de numéro alors ?
Jamais. Quand il m’est impossible de répondre, je rappelle toujours. Je ne changerai pas.
 

Antécédents

1973. Voit le jour à Kénitra.

1988. Rejoint la Jamaâ Islamiya, ancêtre du MUR et du PJD.

2006. Rédacteur en chef de Attajdid

2009.  Crée et préside le centre marocain des études et des recherches contem-poraines (CMERC).

2011. Coordonne la campagne électorale du PJD.

2012.   Devient ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.

 

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