Reportage. Et Miss Maroc fut !

Miss Maroc
Election de Miss Maroc (édition 2012). Crédit : AIC press

Après plusieurs tentatives avortées par les furibonderies islamistes, la première édition de Miss Maroc a été finalement, et paradoxalement, organisée sous le gouvernement PJD. Ça s’est passé au Mazagan Beach Resort, TelQuel y était…

Il est presque 22h à la salle de conférence Doukkala 2 du Mazagan Beach Resort. Le show tarde à commencer et cela agace le public, pas vraiment respectueux du dress code “tenue de soirée”. Normal quand on vient en famille soutenir des jeunes filles dont l’âge se situe entre 18 et 24 ans. Le chanteur marocain Mohamed Reda débarque enfin ; vêtu d’un jabador noir, il entonne son refrain “maghribia maghribia” sur une scène en total look maghribi, deux écrans géants entourant une disposition de spots à cinq branches diffusent des diaporamas rouges et verts. Les candidates entrent en scène, reprenant l’antienne patriotique en revêtant des tuniques rouges en satin, brodées d’une étoile au dos. Ce sont les quinze finalistes de la première édition de Miss Maroc, choisies parmi quelque 2500 filles par un jury qui a sillonné tout le pays sans pour autant s’aventurer jusqu’à Lagouira. “De Tanger à Agadir”, comme le précise Sanaa Zaïm, hôtesse de la soirée aux côtés de Bilal, version arabophone de Pee-Wee Herman, dont elle nous apprendra plus tard l’origine libanaise et le gagne-pain en tant qu’animateur à la chaîne saoudienne MBC.

Traditionnellement modernes

Les candidates parties se parer de caftans, les deux écrans occupent le public à coups de reportages de casting et de trekking à Taroudant, entrecoupés de plans rapprochés de mains manucurées pétrissant du pain traditionnel avant de l’enfourner au kanoun. Tout est en phase avec le slogan de l’édition, “traditionnellement moderne”, y compris la maladresse linguistique d’une finaliste fassie “I live in Fès and I like voyagère”. Gloussement dans la salle, ça chuchote et ça se demande qui les a obligées à se présenter en anglais. La bêtise continue sur le podium où, arrivée à son tour pour parler d’elle, la candidate sahraouie prend le micro et entache sa beauté noire en ouvrant sa bouche pulpeuse : “J’habite la ville du Sahara”.Niveau aspirations, on ne peut pas dire que cela frôle la modernité. Elles ont toutes eu droit à la même question : “Pour quelles raisons mériteriez-vous le titre de Miss Maroc ?”. Elles ont toutes fait la surenchère de la droiture et de la pudeur, promettant de mettre leur beauté au service de la femme marocaine, battante, courageuse et soumise – dans le sens religieux du terme – et de défendre sa réputation à l’international (sic). Aucune des filles n’a mentionné ce qu’elle faisait de sa vie, à l’exception de Sara Mouâtamid, étudiante à l’Ecole nationale de commerce et de gestion.

And the queen is…

C’est d’ailleurs elle qui a été sacrée Miss Maroc 2012. Figurant dans le top 5 voté par le public, élue reine de beauté par le jury – composé de la journaliste Sanaa Kadmiri, la directrice de Collège Lasalle, Meryem Alaoui, la styliste Zahra Yaagoubi et une rouquine européenne probablement ex-mannequin, on pressentait sa victoire dans le public. Jeune Casablancaise de 19 ans, elle était la seule à défiler pour Zahra Yaagoubi en caftan blanc immaculé, tout comme les grands couturiers réservent la robe de mariée à la plus chère des mannequins. Son numéro de vote était le “1” et Sanaa Zaïm ne manquait pas de la surnommer “la tête de liste”.

Beauté discrète et typiquement marocaine, elle a reçu sa couronne et son écharpe sous applaudissements, confettis, saccades lumineuses et cliquetis de smartphones, le tout avec les octaves de Freddie Mercury comme fond sonore, entonnant sa mythique “We are the champions”. La Miss est restée stoïque, tout sourire sans tirer une seule larmichette, mais tout de même fière de sa Ford, son chèque et des cadeaux inhérents à son titre. “And she’ll keep on fighting till the end”, aux concours de Miss Monde et de Miss Univers qui se tiendront dans quelques mois et où l’on n’y épargnera pas l’épreuve du bikini, zappé au Maroc par les organisateurs pour plaire aux fustigeurs de la beauté.

 

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer