Portrait. A star is born

A 26 ans, 3 albums à son actif et une nomination aux MTV Music Awards, Abdelfettah Grini est déjà une star dans le monde arabe. Rencontre avec un artiste inconnu du public marocain il y a encore un an.

Il s’appelle Abdul Fatah Al Quraini lorsqu’il se produit dans les pays du Golfe et Abdelfettah Grini quand il va “défendre les couleurs de son pays” aux MTV Awards le 6 novembre à Belfast. Avec sa coupe afro et une dégaine digne d’un chanteur de hip hop, Abdelfettah Grini est une star d’origine marocaine qui fredonne en dialecte égyptien des sons qui font le bonheur des passionnés de la chanson arabe moderne. “Cette histoire de look est le cachet de ma culture maghrébine. Nous sommes des sociétés plus ouvertes sur le monde que le Moyen-Orient”, souligne celui qui a fait l’objet de rumeur d’un prochain duo avec Lady Gaga et qui est vite monté au créneau pour démentir l’information. “Lancer des rumeurs pour rester dans le mainstream est une stratégie de communication très kitsch. Je pense que les temps ont changé et, pour durer dans ce métier, il faut bosser”, explique la star qui semble maîtriser toutes les ficelles de l’industrie du disque. Dans un Moyen-Orient où l’art et l’argent cohabitent avec succès, l’avenir de Grini est tout tracé.

Ould Derb Soltane
“Il est vrai que je suis plus connu au Moyen-Orient qu’au Maroc”, lance Grini de sa voix chaleureuse et sans le moindre accent égyptien, typique des artistes marocains qui ont fait leur carrière dans ce pays. Pourtant, malgré le talent qu’on lui reconnaît, la carrière de Grini aurait pu être tout autre. Né en 1985 dans le quartier Derb Soltane à Casablanca, Abdelfettah Grini est l’aîné d’une fratrie de deux garçons et deux filles. A 12 ans, il intègre le conservatoire de Casablanca où il y apprendra les rudiments du chant et du solfège, avant de décrocher quelques années après.
Le bac en poche, il décide alors d’intégrer en 2006 une école de mode. “Le prêt-à-porter a toujours été mon dada. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé un an dans cette branche avant de retourner à l’école pour suivre des cours de management. Finalement, la musique m’a rattrapé”, nous confie-t-il. En 2007, suite à un casting organisé au Maroc par la chaîne arabe MBC, il sera choisi pour représenter le Maroc. “Je dois ma première réussite à mon passage dans l’émission Album. C’est une sorte de star academy qui m’a permis de me faire connaître auprès du public du monde arabe”, souligne le chanteur. Il tape dans l’œil des producteurs de la chaîne MBC, qui le font signer tout de suite pour une durée de sept ans. La suite des événements leur donnera raison.

Graine de star
De fil en aiguille, Grini devient la star attitrée de MBC et bénéficie par conséquent des meilleurs compositeurs de la chaîne pour le propulser sur le devant de la scène. Le premier album, enregistré en 2008 et intitulé Ya Khsartak fi Ellyali, est une réussite. “En deux semaines, les ventes culminaient déjà à 30 000 exemplaires. J’étais comme dans un rêve, surtout que nous avons fini l’année avec 100 000 exemplaires puisés dans les bacs”, se souvient le chanteur.
Mais dans le métier, le premier succès, toujours redouté par les maisons de disques, n’enraye pas la machine MBC qui profite de la popularité de son poulain pour lui faire enregistrer un deuxième album Ayesh Hyato. “Je me suis accroché au top 5 des meilleures ventes malgré la sortie dans les bacs des albums de Amrou Diab et Tamer Housni”. Pour doper les ventes, l’artiste enregistre plusieurs clips au Liban qui font de lui l’un des artistes les plus suivis et les plus téléchargés sur le Net à travers tous les pays arabes. En particulier au Maroc où l’artiste commence à se faire connaître et donne des interviews à la presse locale. “Un jour, j’ai décroché le téléphone et c’était Samira Bensaïd au bout du fil qui voulait me féliciter pour mon travail. ça m’a beaucoup touché”, se souvient l’artiste, qui doit désormais jongler entre l’enregistrement de son nouvel album 3 Kelmat, les talkshows sur différentes chaînes du Moyen-Orient et les grands festivals comme Layali Febrayer au Koweït. “C’est incontestablement le plus grand festival du monde arabe en termes de promotions et de cachets”, lance l’artiste.

Du Caire à Belfast
Grini fait office de miraculé de la scène égyptienne. “Avec des machines à créer des tubes comme Amrou Diab, Tamer Housni ou encore Houssin El Jasmi, on se sent tout petit dans le star system cairote”, confie le chanteur. Pourtant, son troisième album 3 Kelmat est actuellement dans le top 5 des meilleures ventes d’albums dans le monde arabe. “En plus des ventes dans les Virgin Megastore du Moyen-Orient, ce sont surtout le visionnage et le téléchargement de mes clips qui m’ont propulsé aux MTV Awards à Belfast”, explique-t-il.
En effet, c’est le vote des internautes le 23 octobre qui le place sur le red carpet. “Je me suis laisser allé et j’ai oublié de demander le visa pour l’Irlande du Nord dans les temps. Grâce à l’intervention des affaires étrangères marocaines, j’ai pu obtenir mon visa à temps”, se souvient l’artiste qui, malgré une quatrième place, est reparti avec la tête pleine de souvenirs. “J’avais devant moi Lady Gaga et à côté de moi un membre du groupe Queen et l’acteur David Hasselhoff. C’était surréaliste”. De retour au Moyen-Orient, il volera de nouveau la vedette en s’adjugeant le titre de chanteur de l’année en Egypte et quelques jours plus tard en Arabie Saoudite. En à peine trois ans et demi de carrière, Abdelfettah Grini est devenu incontournable. Pour preuve, la chaîne MBC vient de changer son contrat, qui couvrira une période de 15 ans et comprend plusieurs albums. De quoi nous divertir encore pour longtemps !

 

Zoom. Des projets plein la tête
“Il y a un avant et un après MTV Awards”, martèle Abdelfettah Grini, qui compte faire de cette nomination un levier pour revoir ses ambitions à la hausse. Pour commencer, il revoit avec la société MBC tout le projet du quatrième album qui était dans le pipe. “Nous allons y inclure plusieurs featurings avec des artistes très connus, sans oublier un autre album live qui va compiler des grands classiques de la chanson arabe que je vais enregistrer lors de divers concerts”, explique l’artiste. Mais qu’en est-il des incidences de la révolution égyptienne sur l’industrie du disque ? A en croire Grini, ces événements n’ont pas entravé son ascension musicale. Concernant le Maroc, l’épisode Mawazine est déjà dans les oubliettes. Pour rappel, lors de la dernière édition de ce festival, l’artiste a décliné l’invitation qui lui était faite. “Avec ma société de production, nous avons jugé les conditions d’hébergement et le cachet insultant pour un artiste marocain. J’ai toujours été bien traité dans le reste du monde arabe, je ne vois pas pourquoi j’accepterai ces conditions dans mon pays”, conclut-il.

 

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