A la tête du gouvernement d’Alternance, il profitait de ses visites officielles à l’étranger pour convaincre de grandes puissances de retirer leur reconnaissance de la RASD.
Avant de revenir de son exil français et se voir confier le gouvernement d’Alternance par Hassan II, Abderrahmane Youssoufi était d’abord un homme de réseaux. La disparition de Abderrahim Bouabid en 1992 l’avait définitivement propulsé au rang de parrain des socialistes marocains. Sa longue carrière d’avocat défenseur des droits de l’homme, plusieurs fois décoré, fera de lui un interlocuteur crédible à l’étranger. Comblant des carences de la diplomatie, Youssoufi profitait de ses visites officielles pour plaider en faveur de la marocanité du Sahara, sa légitimité valant souvent beaucoup plus que la propagande officielle et la distribution d’argent sous formes d’infrastructures.
Article initialement publié en août 2018 dans le numéro 822 de TelQuel
Comme en octobre 2001 à Damas, devant le fraîchement président Bachar Al Assad. Youssoufi, à l’instar de nombre de dirigeants socialistes, a toujours entretenu d’excellentes relations avec le Baath, parti unique en Syrie. De bons rapports auxquels il faut ajouter ses années de responsabilité au sein du Secrétariat général des avocats arabes. Youssoufi s’informe auprès de Bachar Al Assad sur la raison de la présence d’un bureau de représentation du Polisario à Damas. Le président syrien qui, depuis le début de l’entretien est surpris et ravi de la bonne connaissance de la Syrie par Youssoufi, exprime son profond regret à son hôte : “Je vous avoue, M. le Premier ministre, que je n’étais absolument pas au courant que le Polisario dispose d’un bureau de représentation au centre de Damas. Mais je vous promets que je vais faire le nécessaire et dans les plus brefs délais”, lui annonce-t-il.
De retour au Maroc quelques jours plus tard, “Youssoufi apprend que la Syrie a retiré sa reconnaissance de la RASD et fermé le bureau de représentation du Polisario à Damas. Mieux encore, l’ambassadeur des séparatistes à Damas a plié bagages”, relève Mohamed Ettayea dans son livre Abderrahmane Youssoufi et les dessous de l’Alternance.
Affinités socialistes
Enfant de Tanger alors sous statut international, Youssoufi parlait couramment le français, l’espagnol et l’anglais. En moins de cinq ans à la tête de l’Exécutif, il visitera plus de vingt pays, avec toujours, dans la mesure du possible, la défense de l’intégrité territoriale en tête. “C’est lui qui trace les programmes de ses visites à l’étranger et en fixe tous les détails avant de les soumettre à l’approbation du Palais”, prévient Mohamed Ettayea.
Iran, Inde, Chine (Hassan II avouera à son Premier ministre combien il regrettait de n’avoir jamais visité ce pays) ou dans les pays sud-américains, l’ancien patron de l’USFP réussit à convaincre de grandes puissances de retirer leur reconnaissance de la RASD. Il faut dire que la légitimité de Youssoufi provenait également de son mandat de vice-président de l’Internationaliste socialiste (IS) de 1998 à 2003. Une fonction qu’il a partagée avec des personnalités tels que Felipe Gonzalez, Oscar La Fontaine ou encore Shimon Peres.
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