Malgré la hausse du remplissage des barrages, réorienter la politique agricole demeure nécessaire pour Jauad El Kharraz

Les dernières données officielles du ministère de l’Équipement et de l’Eau font état d’une hausse du taux global de remplissage des barrages à 6,417 milliards de m³ au 12 avril. Ce rebond s’explique en partie par les récentes précipitations qui ont notamment alimenté le barrage Sidi Mohammed Ben Abdellah près de Skhirat-Témara, dont le volume a augmenté de 22,5 millions de m³, atteignant un taux de remplissage de 64,5 %, ainsi que le barrage El Mansour Eddahbi à Ouarzazate, qui a gagné 16,6 millions de m³ (47,3 % de remplissage).

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Contacté par TelQuel Arabi, Jauad El Kharraz, directeur du réseau d’experts en eau, énergie et climat, a indiqué que ces précipitations avaient partiellement ravivé les ressources hydriques, avec un taux de remplissage national moyen d’environ 40%. Toutefois, il estime que de nombreuses mesures restent nécessaires.

El Kharraz rappelle que le Maroc a connu sept années consécutives de sécheresse, dues à la rareté des pluies, aux effets du changement climatique et à une forte demande en eau, notamment du secteur agricole, qui consomme à lui seul 87% des ressources hydriques. Cette pression a entraîné une crise de l’eau, avec une chute du volume annuel disponible par habitant de 1500 m³ à seulement 600 m³.

Il souligne que si la politique des barrages initiée sous Hassan II et poursuivie par Mohammed VI a permis de mobiliser des ressources importantes, elle ne suffit plus à faire face à la pression croissante. Une approche proactive de la gestion de l’eau est désormais indispensable.

Parmi les efforts récents, Jauad El Kharraz cite le Programme national d’approvisionnement en eau potable et d’irrigation 2020-2027, qui encourage le dessalement de l’eau de mer — un chantier ambitieux qui devrait couvrir 55% de la demande en eau potable d’ici 2030 via 17 stations réparties sur le littoral atlantique et méditerranéen. Il évoque aussi l’accélération du recyclage des eaux usées pour l’irrigation des espaces verts urbains.

Concernant la gouvernance, il estime que le Maroc se distingue par une gestion hydrique territorialisée, notamment via les agences de bassins hydrauliques. Le pays met également en œuvre des projets de transfert d’eau entre bassins, pour alimenter les régions agricoles les plus exposées à la sécheresse, notamment dans le Sud.

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Des efforts qui restent insuffisants selon l’expert, qui appelle à une gestion intégrée des ressources hydriques à travers la généralisation des technologies d’irrigation modernes, la réutilisation accrue des eaux usées traitées, une tarification incitative à l’économie d’eau, et surtout une refonte de la politique agricole. Cette dernière devrait être plus cohérente avec les priorités hydriques du pays et mieux articulée entre les différents ministères.

Il conclut en insistant sur l’urgence de sensibiliser les citoyens à la rareté de l’eau, et sur la nécessité d’accélérer l’exécution des projets, en misant sur la coordination intersectorielle, la mobilisation de financements, l’innovation et la coopération internationale, notamment avec les pays confrontés aux mêmes défis hydriques dans l’espace méditerranéen, arabe et africain.