Étude : 55% des Marocains contre la liberté des femmes de disposer de leur corps dans l’espace public

Une étude menée par l’équipe scientifique de l’organisation Menassat pour les recherches et les études sociales, intitulée “Femmes, espace public et libertés individuelles”, révèle que plus de 55 % des Marocains s’opposent à la liberté des femmes de disposer de leur corps dans l’espace public. Ils sont 67 % à l’accepter dans la sphère privée.

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Cette étude, réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 1528 participants répartis sur les 12 régions du Royaume, montre que plus de 75 % des sondés estiment que les femmes ont le droit d’accéder à tous les lieux publics (cafés, cinémas, théâtres, hôtels, jardins, etc.), tandis que 21 % y sont opposés.

Les jeunes (18-34 ans) sont les plus ouverts à cette idée, à hauteur de plus de 80 %, contre 55,9 % pour les personnes âgées de 65 ans et plus. Le niveau d’instruction joue aussi un rôle : 87 % des diplômés de l’enseignement supérieur l’acceptent, contre 70 % chez les non scolarisés.

Les femmes soutiennent davantage ce droit (83,7 %) que les hommes (66,4 %). De même, les célibataires et divorcés sont plus favorables que les mariés ou veufs.

Disposer de son corps dans l’espace public, une question clivante

Alors que 67 % des sondés approuvent la liberté corporelle des femmes dans leur domicile, 55 % s’y opposent lorsqu’elle s’exerce dans l’espace public. L’adhésion à cette liberté est plus élevée en milieu urbain (33,1 %) qu’en milieu rural (19,8 %), avec une moyenne de 26,2 % dans les zones périurbaines.

Les jeunes sont encore une fois plus favorables, notamment 10,7 % des 25-34 ans qui soutiennent fermement cette liberté dans le privé, contre 0,5 % des 65 ans et plus.

Plus de 82 % des femmes interrogées affirment que les femmes sont les principales victimes de harcèlement dans l’espace public, un constat partagé par 81 % des hommes.

Voile, religion et droits humains

Concernant le port du voile, 66,8 % des répondants le défendent dans l’espace public comme un acte religieux et moral. Par ailleurs, 71,7 % estiment que les libertés individuelles relèvent d’un choix personnel sans contrainte.

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Toutefois, 45 % adoptent une position intermédiaire, en pensant que la condition des femmes s’améliorerait si l’on combinait les principes de la charia et ceux des droits humains. Tandis que 33,2 % privilégient uniquement la charia, 15 % optent exclusivement pour les droits humains.

Faible culture juridique sur les droits des femmes

L’étude met aussi en évidence une faible connaissance des textes juridiques encadrant les libertés des femmes. Seuls 5,1 % connaissent bien l’article 24 de la Constitution (liberté de circulation). 86,2 % ignorent l’article 503-1-1 du Code pénal criminalisant le harcèlement sexuel, y compris 95 % des femmes.

Après présentation de ce texte, 73 % l’approuvent sans réserve, mais 2,6 % s’y opposent, et le reste exprime un avis conditionnel ou neutre.

Plus de 53 % des personnes interrogées estiment que les lois actuelles ne garantissent pas suffisamment la liberté et la dignité des femmes dans les lieux publics. En outre, seuls 7,8 % des hommes et 5 % des femmes pensent que ces lois sont effectivement appliquées.

Quid de la réforme de la Moudawana ?

La moitié des répondants (50,3 %) souhaitent modifier la Moudawana (Code de la famille) pour renforcer les droits des femmes. 40,3 % des partisans de cette réforme demandent l’égalité totale hommes-femmes, 36,5 % veulent plus de droits pour les femmes, et 22,2 % réclament davantage de droits pour les hommes.

Enfin, 90,9 % des sondés ne sont affiliés à aucune association de défense des droits des femmes. Seulement 7 % déclarent y être impliqués, à parts égales entre hommes et femmes.