Vie privée : la CNDP se saisit de la question de la vidéosurveillance dans nos villes

Dans un communiqué diffusé ce vendredi 21 mars, la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) annonce lancer des auditions pour “élaborer une délibération sur les dispositions et garanties nécessaires afin de protéger la vie privée dans le cadre du recours à la vidéosurveillance”.

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Interpellé par TelQuel le 18 mars dans le cadre de la rédaction d’un dossier publié ce vendredi matin sur la vidéosurveillance qui se généralise dans les villes marocaines, le président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), Omar Seghrouchni, nous a finalement fait parvenir cet après-midi un communiqué traitant spécifiquement de cette question.

“Le recours à la vidéosurveillance est, de nos jours, une question importante qui a trait à des sujets aussi variés que la protection des lieux publics, la protection des lieux privés, la constatation ou la conservation d’états de fait en vue d’études, de recherches scientifiques, ou de prévention de risques divers et variés”, écrit la CNDP, soulignant que cette problématique n’est pas traitée de la même manière dans les différentes régions du monde”.

“Son traitement dépend des dispositions constitutionnelles et juridiques en vigueur dans les pays concernés. Il dépend également des traits culturels et sociologiques des populations concernées. Il dépend enfin des procédés techniques mis en œuvre, ainsi que des considérations et des contraintes liées à la sauvegarde et au maintien de la tranquillité publique”, poursuit la CNDP.

Le président de la CNDP, Omar Seghrouchni.Crédit: MAP

“A titre d’exemple, en matière de vidéosurveillance avec reconnaissance faciale sur la voie publique, les frontières entre ce qui est nécessaire, ce qui est acceptable et ce qui est possible, sont par nature appelées à une évaluation et une appréciation permanentes, rendues encore plus nécessaire à l’occasion du recours à toute technologie nouvelle, dont l’utilité et l’intérêt appellent une appréciation au regard des risques qu’elle pourrait éventuellement receler du point de vue de la protection des données personnelles”, souligne la même source.

L’instance présidée par Omar Seghrouchni annonce ainsi qu’“à cet égard, une réflexion éclairée et apaisée est souhaitable afin de prendre en compte les valeurs portées par la Constitution, l’attachement des citoyens à ces valeurs, mais aussi l’intérêt public légitime”.

“Dès lors, et afin de veiller à ce que la loi 09-08, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel, soit communément interprétée par les différents acteurs impliqués dans les problématiques exposées ci-dessus, la CNDP a décidé d’engager les auditions nécessaires dans le but d’élaborer une délibération sur les dispositions et garanties nécessaires afin de protéger la vie privée dans le cadre du recours à la vidéosurveillance”, conclut le communiqué.

Une question en suspens depuis… 2019

Pour rappel, en août 2019, la CNDP avait alerté sur les usages de cette “technologie d’identification et d’authentification qui utilise les caractéristiques physiques du visage des personnes ciblées”. Elle rappelait que “sur le plan national et international, des réflexions sont en cours pour la mise en place de normes définissant un usage de cette technologie en respect de la vie privée des personnes physiques”. Aussi, “dans le cadre de l’exercice de sa mission (…), la CNDP a convenu de la nécessité de réglementer et d’encadrer très rigoureusement l’usage de cette technologie”, assurait l’instance.

La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP) se penche à l’heure actuelle sur la question des caméras de surveillance.Crédit: TOUMI/TELQUEL

Après un moratoire de seize mois, et des auditions d’éditeurs et fournisseurs de solutions de reconnaissance faciale, la CNDP avait confirmé, en décembre 2020, “ses réserves fortes sur le fait que chaque fournisseur de services constitue sa propre base biométrique, celle de ses clients et/ou prospects, parfois hébergée en dehors du territoire national”.

Elle avait également recommandé “l’usage d’un système de tiers de confiance national, en termes d’authentification, sans multiplication de bases ou de registres d’authentification, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public”, et que les données d’usage et d’authentification “ne soient pas stockées au sein de la même architecture et par la même entité”.

La CNDP avait alors décidé de la possibilité, suite à une demande d’autorisation préalable notifiée par chaque responsable de traitement, “d’utiliser, en cas d’avis favorable de la CNDP (…), les technologies de reconnaissance faciale”. En mars 2022, la CNDP a ainsi signé un protocole d’accord avec la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) pour le lancement d’une plateforme “tiers de confiance national”, dédiée à l’authentification des usagers des services numériques, à travers, entre autres, la reconnaissance faciale.