Les cultures d’exportation menacent la souveraineté alimentaire et l’accès à l’eau, selon Attac Maroc

Une étude publiée le 16 novembre par l’association Attac Maroc met en lumière les déséquilibres structurels des politiques agricoles et de gestion des ressources hydriques au Maroc.

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Cible de toutes les critiques, les subventions pour la culture de la pastèque dans des zones arides ont été récemment suspendues par l’Exécutif. Une décision que des experts aimeraient voir élargie à l’ensemble des cultures hydrophiles potentiellement déployables dans ce type de région. Crédit: MAP

Intitulée « Réalité de la gestion des ressources en eau au Maroc : accaparement, pillage et marchandisation », cette analyse dresse un constat inquiétant : les cultures d’exportation, soutenues par des politiques publiques, profitent principalement aux grands exploitants agricoles tout en aggravant la vulnérabilité alimentaire et hydrique du pays.

Avec plus de 85% des ressources hydriques mobilisées, le secteur agricole est le premier consommateur d’eau au Maroc. Pourtant, selon l’étude, seulement 19% des terres agricoles sont irriguées. Ce paradoxe s’explique par une priorisation des cultures destinées à l’exportation – fruits et légumes notamment – au détriment des cultures vivrières comme le blé et les légumineuses, essentielles pour la sécurité alimentaire.

Les auteurs de l’étude dénoncent une politique de soutien qui favorise les cultures « à haute valeur ajoutée », majoritairement exportées vers les marchés européens, mais gourmandes en eau. Ces choix sont renforcés par des exonérations fiscales et des subventions publiques significatives, concentrées entre les mains des grands exploitants et des entreprises opérant sur les marchés internationaux. En revanche, les petits agriculteurs, souvent dépendants des précipitations pour leurs cultures, sont marginalisés.

L’étude souligne également que cette politique de promotion de l’exportation ne parvient pas à équilibrer la balance commerciale agricole. Les exportations couvrent à peine 52% des coûts des importations agricoles. Cette dépendance chronique s’est particulièrement illustrée lors de la campagne 2021-2022, marquée par une baisse de 69% de la production céréalière en raison de la sécheresse. Pour répondre à ses besoins, le Maroc a dû importer plus de la moitié de sa consommation, se retrouvant ainsi exposé aux fluctuations des marchés mondiaux et aux crises climatiques.

Cette stratégie agricole, tournée vers les marchés extérieurs, exacerbe par ailleurs la pression sur les ressources en eau. En contexte de stress hydrique croissant et de sécheresses récurrentes, les volumes d’eau consommés par les cultures d’exportation – bien supérieurs à ceux nécessaires aux cultures vivrières – contribuent à une gestion insoutenable des ressources.

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Face à ces constats alarmants, l’association Attac Maroc appelle à une refonte complète des politiques agricoles et hydriques. Elle milite pour un modèle agricole axé sur la souveraineté alimentaire, la préservation des ressources naturelles et la justice sociale. Parmi les recommandations phares figurent la récupération des sources d’eau accaparées par des intérêts privés, l’arrêt des partenariats public-privé jugés coûteux et inefficaces, et l’instauration d’une gestion démocratique des ressources en eau, « sous contrôle populaire ».

L’association insiste également sur l’importance de compenser les populations affectées par « des politiques de privatisation et d’accaparement ». Enfin, elle prône une rupture avec les diktats des institutions internationales, estimant qu’ils perpétuent la dépendance et fragilisent davantage les petits exploitants agricoles.

Pour Attac Maroc, la solution réside dans une mobilisation collective, à la fois locale et internationale, visant à impliquer les agriculteurs et les consommateurs dans la définition des politiques agricoles et hydriques. Ce changement de cap est, selon l’association, indispensable pour garantir la souveraineté alimentaire du Maroc tout en protégeant ses ressources naturelles.