Le nouvel examen de la politique d’investissement du Maroc en 2024 par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne des avancées significatives tout en identifiant des défis persistants.
Au cours des 20 dernières années, le Maroc est devenu un point d’ancrage de l’investissement en Afrique du Nord et dans la région MENA. Porté par des réformes structurelles et des investissements conséquents dans les infrastructures, le Royaume a modernisé son économie, intégré des secteurs stratégiques aux chaînes de valeur mondiales et attiré des investisseurs internationaux.
Cependant, des défis majeurs demeurent, notamment en matière de répartition géographique des investissements, de développement inclusif et de réduction des disparités sociales. À travers l’adoption de la nouvelle Charte de l’investissement en 2022, le Maroc ambitionne de franchir une nouvelle étape pour stimuler une croissance durable et équitable, une priorité que l’OCDE vient d’analyser en profondeur dans son rapport sur les politiques d’investissement du Maroc en 2024.
Depuis les années 1990, le Maroc a engagé des réformes d’envergure pour transformer son économie. Sous l’impulsion du Plan émergence pour le développement industriel (2005-2015) et du Plan d’accélération industrielle (2014-2020), des secteurs stratégiques comme l’automobile, l’aéronautique et les services offshores ont été promus. Ces initiatives, associées à une infrastructure modernisée, notamment avec le port Tanger Med, ont permis au Maroc de s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales.
L’adhésion en 2009 à la Déclaration de l’OCDE sur l’investissement a marqué une étape importante, souligne le rapport. Depuis, le Royaume a travaillé à “aligner ses politiques sur les meilleures pratiques internationales”, facilitant ainsi la création d’un environnement d’investissement attractif. Malgré ces avancées, le rapport de l’OCDE note des limites, dont une forte concentration géographique et sectorielle des investissements, une lenteur dans l’amélioration de la productivité et une dépendance accrue aux investissements publics.
Face aux défis de croissance inclusive et régionale, la Charte de l’investissement adoptée en 2022 marque une nouvelle impulsion. Elle vise à “maximiser l’impact des investissements, notamment en termes de création d’emplois stables et de développement régional équitable”, souligne l’OCDE. Cette charte introduit des incitations financières pour attirer les investisseurs vers des régions moins développées et des secteurs à fort potentiel de création de valeur ajoutée.
Depuis sa mise en œuvre, les premiers résultats sont prometteurs : au moins 115 projets ont été validés, représentant 173 milliards de dirhams et prévoyant la création de près de 96.000 emplois. Cependant, ces projets sont encore concentrés dans les pôles économiques traditionnels.
Pour accompagner ces ambitions, le Maroc a réorganisé sa gouvernance de l’investissement. La création du ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des politiques publiques permet de centraliser la stratégie d’investissement, tout en déléguant des compétences aux Centres régionaux d’investissement (CRI). Cette décentralisation vise à doter les régions d’outils pour attirer et faciliter les investissements locaux.
Des efforts importants sont également déployés pour simplifier les démarches administratives, notamment à travers la digitalisation des services, rappelle l’OCDE. Un décret de 2023 a ainsi réduit les délais d’enregistrement des entreprises à trois jours, contre neuf auparavant. Cependant, l’OCDE note que le processus de régionalisation reste incomplet : les CRI souffrent encore d’un manque de ressources et de coordination efficace avec les autorités centrales.
Le rapport met en lumière le rôle crucial des investissements directs étrangers (IDE) dans le développement de secteurs stratégiques. Les IDE ont permis la montée en gamme des industries automobiles et aéronautiques, transformant le Maroc en un “hub manufacturier” pour l’Afrique. En 2024, les investissements étrangers avaient atteint un niveau record, en grande partie grâce à la demande croissante dans ces secteurs, ainsi qu’aux énergies renouvelables.
Cependant, le rapport souligne un défi persistant : “Les PME locales peinent à s’intégrer dans les chaînes de valeur de haut niveau, souvent limitées aux fonctions de sous-traitance.” Cette faible intégration locale limite l’impact des IDE sur le tissu économique national. Pour pallier cette carence, l’OCDE recommande une stratégie de “renforcement des capacités des PME, pour les rendre plus compétitives et susceptibles de contribuer aux chaînes de valeur”.
Malgré les progrès économiques, les disparités entre régions demeurent prononcées. Les pôles de Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, et Rabat-Salé-Kénitra concentrent l’essentiel des investissements, tandis que les régions rurales peinent à attirer des projets d’envergure.
La faible participation des femmes au marché du travail (20%) et le chômage élevé des jeunes accentuent ces disparités. L’OCDE souligne que seulement 37% des jeunes femmes ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en éducation.
Ainsi, le rapport identifie plusieurs réformes prioritaires pour renforcer le climat d’investissement. L’OCDE recommande de moderniser les lois foncières et d’expropriation, de poursuivre la simplification des démarches administratives, et d’encourager des investissements à impact social élevé, notamment dans les secteurs verts et numériques.
Le renforcement des compétences des fonctionnaires locaux est également crucial pour garantir l’efficacité de la régionalisation et la bonne mise en œuvre des réformes. En parallèle, l’OCDE met l’accent sur l’importance de l’engagement public-privé et de la cohérence entre les stratégies locales et nationales, pour éviter des duplications ou des incohérences.