"Le parcours d'un roi" : 25 ans de règne du roi Mohammed VI sous la loupe de Public Sénat

Réalisé par Yves Derai et Michaël Darmon, le documentaire “Le parcours d’un roi. Le Maroc de Mohammed VI”, diffusé le 12 octobre sur la chaîne française Public Sénat, s’appuie sur des archives inédites et des témoignages de hautes personnalités politiques, marocaines et françaises, pour dresser un “portrait nuancé d’un roi à la fois secret et déterminé”, qui a “mené son pays à une transformation profonde, tout en conservant des racines monarchiques anciennes”.

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Le roi Mohammed VI adresse un discours à l’occasion du 47ème anniversaire de la Marche Verte, le 6 novembre 2022 à Rabat. Crédit: MAP

Le documentaire s’ouvre sur une scène marquante : le décès de Hassan II en 1999 et la montée au trône du roi Mohammed VI, alors âgé de 36 ans. Les premières années du règne sont analysées sous l’angle de la rupture symbolique avec l’ère de son père. Le jeune roi, méconnu du grand public à l’époque, décide rapidement de s’imposer par un style de gouvernance radicalement différent, basé sur la “proximité” et la “douceur”, là où Hassan II incarnait l’“autorité” et la “distance”.

Le roi Mohammed VI se révèle “moderne, plus proche du peuple, apparaissant dans des moments de vie quotidienne qui rompent avec les rigidités du protocole monarchique”.

Pour Derai et Darmon, cette rupture ne se limite pas à l’image, mais s’étend à la gestion du pouvoir, que Mohammed VI souhaite plus “consensuelle”. Contrairement à l’“autoritarisme” de son père, il introduit une “forme de gouvernance basée sur le consentement populaire”, bien que toujours encadrée par une “monarchie exécutive”, avec lui au centre des décisions. Le documentaire souligne que le roi s’inspire, dans cette approche, en partie de son grand-père, Mohammed V, et non de son père.

Réformes sociales

Un des volets centraux du documentaire est consacré aux réformes sociales majeures entreprises par le roi Mohammed VI, en particulier celles concernant les droits des femmes. En 2004, la réforme de la Moudawana, qui accorde de nouveaux droits aux femmes, est perçue comme un “tournant historique”.

Le roi Mohammed VI est dépeint comme un monarque résolument réformateur, désireux de faire évoluer la société marocaine tout en tenant compte des sensibilités culturelles et religieuses. Le documentaire met ainsi en lumière les “efforts du roi pour moderniser les lois en faveur des femmes”, mais souligne également les “limites et les résistances à ces réformes”, notamment “au sein des courants conservateurs du pays”.

En effet, malgré la réforme de la Moudawana, les femmes marocaines continuent de faire face à des inégalités. Ces réformes, bien qu’audacieuses à l’époque, semblent aujourd’hui “incomplètes”, incitant Mohammed VI à “encourager un nouveau débat sur une mise à jour du Code de la famille”.

Un roi bâtisseur

Le documentaire aborde ensuite l’un des aspects les plus emblématiques du règne du roi Mohammed VI : la modernisation économique du Maroc. Dès son arrivée au pouvoir, le roi a entrepris une transformation profonde du paysage économique du pays, en lançant d’immenses chantiers d’infrastructures et en modernisant des secteurs stratégiques. Sous son règne, le Maroc est devenu un “hub économique régional”, reliant l’Europe à l’Afrique subsaharienne. Des projets d’infrastructures récents, comme la construction du TGV Al Boraq et le développement du port de Tanger Med, aujourd’hui l’un des plus grands ports en Afrique et dans le monde, sont bien évidemment mis en exergue.

Un autre volet central du règne de Mohammed VI, selon le documentaire, est son ambition de repositionner le Maroc comme un acteur majeur en Afrique. Le documentaire retrace le retour du Maroc au sein de l’Union africaine en 2017, après plus de trois décennies d’absence, une décision marquante qui a permis au royaume de renforcer ses liens avec de nombreux pays africains. Ce retour à l’Afrique n’est pas uniquement symbolique, mais s’inscrit dans une véritable diplomatie économique visant à “asseoir l’influence du Maroc sur le continent”.

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Le documentaire rappelle également les attentats de Casablanca en 2003 et de Marrakech en 2011, qui ont profondément marqué le Maroc et mis en lumière la menace du terrorisme islamiste. En réponse, le roi Mohammed VI a “renforcé les capacités des services de renseignement et de sécurité” du pays, positionnant le Maroc comme un “partenaire clé dans la lutte internationale contre le terrorisme”.

Cependant, des défis subsistent. Le documentaire pointe du doigt, par exemple, les “inégalités sociales persistantes”, exacerbées par des événements tragiques comme le tremblement de terre de septembre 2023, qui a révélé les “failles du système”. Si les centres urbains comme Marrakech et Casablanca ont largement bénéficié de la modernisation du pays, les zones rurales “souffrent de pauvreté et de manque d’infrastructures”. Dans ce contexte, Mohammed VI a réaffirmé la nécessité de réformes sociales visant à “renforcer l’État social”.

Le Sahara : une priorité stratégique et diplomatique

L’un des enjeux diplomatiques les plus complexes du règne du roi Mohammed VI est sans doute la question du Sahara occidental. Le documentaire consacre une large partie à ce dossier sensible, qui reste au cœur des “préoccupations politiques du roi”.

Depuis son accession au trône, Mohammed VI a fait de la marocanité du Sahara une priorité nationale, mobilisant tous les leviers diplomatiques pour obtenir la reconnaissance internationale de la souveraineté du Maroc sur cette région.

Le documentaire revient sur la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara en 2020, sous l’administration de Donald Trump, dans le cadre des accords d’Abraham. Ce succès diplomatique, considéré comme une victoire majeure pour le royaume, a permis à Mohammed VI de consolider son pouvoir au niveau régional.

Toutefois, la question du Sahara continue de nourrir des tensions avec l’Algérie, soutien historique du Front Polisario, mouvement séparatiste qui milite pour l’indépendance de la région. Le documentaire souligne également que cette “rivalité” avec l’Algérie reste l’un des principaux défis géopolitiques du Maroc, avec des répercussions directes sur les relations bilatérales entre les deux pays.

En parallèle, Mohammed VI a multiplié les initiatives pour “renforcer le développement économique du Sahara”, notamment à travers des investissements dans les infrastructures locales, visant à “améliorer les conditions de vie des populations sahraouies” et à “asseoir la présence marocaine dans la région”.

France-Maroc : fin de la rupture ?

Le documentaire ne fait pas l’impasse sur les relations complexes entre le Maroc et la France, traditionnellement alliés mais souvent traversés par des périodes de tension. Plusieurs événements récents, comme la crise des visas et l’affaire Pegasus, ont mis à mal les liens entre Rabat et Paris.

La crise des visas, déclenchée par la décision de la France de réduire drastiquement le nombre de visas accordés aux Marocains, a été “perçue comme une humiliation”, notamment pour les “élites économiques et politiques”.

Le documentaire revient sur ces épisodes tout en expliquant que la relation franco-marocaine a toujours été “marquée par des hauts et des bas”. Toutefois, le soutien récent de la France à la marocanité du Sahara, officialisé en juillet 2024, pourrait “marquer une réconciliation durable” entre les deux pays.