Nihon Hidankyo est distingué « pour ses efforts en faveur d’un monde sans armes nucléaires et pour avoir démontré, par des témoignages, que les armes nucléaires ne doivent plus jamais être utilisées », a déclaré le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes. Le prix « met l’accent sur la nécessité de maintenir le tabou nucléaire », a-t-il souligné. « Et nous avons tous une responsabilité (pour le faire), en particulier les puissances nucléaires ».
Ce choix survient alors que Moscou a, à plusieurs reprises, agité la menace nucléaire pour dissuader l’Occident d’apporter de l’aide militaires à l’Ukraine qui tente depuis deux ans et demi de repousser l’invasion russe déclenchée en février 2022. Le mois dernier, le président Vladimir Poutine a changé la doctrine russe d’emploi de l’arme nucléaire, affirmant qu’il pourrait notamment y recourir en cas de « lancement massif » d’attaques aériennes contre son pays.
La planète s’apprête à commémorer l’an prochain le 80e anniversaire des deux premiers bombardements nucléaires de l’Histoire qui firent au total quelque 214.000 morts et précipitèrent la capitulation du Japon ainsi que la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La situation à Gaza est “comme le Japon il y a 80 ans”
Fondé en 1956, Nihon Hidankyo est un organisme qui représente les survivants irradiés de ces bombardements, dont les rangs s’amenuisent avec le temps. « Jamais je n’aurais imaginé que cela puisse arriver », a réagi, les larmes aux yeux, le co-président du groupe, Toshiyuki Mimaki, auprès des journalistes au Japon. Le groupe a par ailleurs dressé un parallèle avec un dossier chaud de l’actualité en estimant que la situation à Gaza est « comme le Japon il y a 80 ans ».
Aujourd’hui, neuf pays détiennent l’arme atomique — Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine, Inde, Pakistan, Corée du nord et très probablement Israël —, une liste qui a tendance à s’allonger plutôt qu’à rétrécir.
Avec l’augmentation des tensions géopolitiques dans le monde, les puissances nucléaires modernisent leurs arsenaux, soulignaient en juin des chercheurs de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). En février 2023, la Russie a annoncé suspendre sa participation au traité New START, le dernier traité de contrôle limitant les forces nucléaires stratégiques de la Russie et des Etats-Unis. En janvier, sur les quelque 12.121 ogives nucléaires existantes dans le monde, environ 9.585 étaient disponibles en vue d’une utilisation potentielle, relevaient-ils.
Même si « le nombre total d’ogives nucléaires continue de diminuer à mesure que les armes de l’ère de la guerre froide sont progressivement démantelées », une augmentation du « nombre d’ogives nucléaires opérationnelles » est observée d’année en année de la part des puissances nucléaires, déplorait le directeur du Sipri, Dan Smith.
Dans le passé, le Nobel de la paix a déjà récompensé à plusieurs reprises des efforts visant à obtenir l’interdiction de ces armes de destruction massive.
En 1975, c’est le dissident soviétique Andreï Sakharov qui avait été primé, en 1985 l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire, en 1995 Joseph Rotblat et le mouvement Pugwash, en 2005 l’Agence international de l’énergie atomique et son directeur Mohamed El-Baradei, et en 2017 la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN).
Le Nobel, qui consiste en un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 11 millions de couronnes suédoises (environ 970.000 euros), sera formellement remis le 10 décembre à Oslo.