Ce que nous avons réalisé (ces cinq dernières années) est un premier jalon pour que notre économie devienne celle d’un pays émergent”, a estimé Tebboune, en annonçant le 11 juillet briguer un second mandat de cinq ans pour parachever une “Algérie nouvelle”.
Élu en décembre 2019 avec une forte abstention (60%), en plein Hirak, Tebboune a dû affronter l’hostilité de ce mouvement pro-démocratie parvenu à chasser en avril de la même année son prédécesseur, Abdelaziz Bouteflika.
Mais quand il “a évacué la question de la transition démocratique réclamée par des millions de citoyens (dans plus de 100 manifestations à partir de février 2019, ndlr), il a renoncé définitivement à une rupture dans le système politique algérien”, indique à l’AFP Hasni Abidi, directeur du centre d’études CERMAM à Genève.
Ce n’est “pas le changement à la tête du pays qui fait entrer l’Algérie dans une ère nouvelle”, poursuit l’expert, évoquant un président confronté à “la difficulté d’opérer un changement en profondeur”.
“Tant que la question politique ne sera pas légitimement résolue, tout discours économique, culturel, diplomatique, relèvera de la pure diversion”, abonde Mohamed Hennad, expert en sciences politiques.
Sous l’effet de la pandémie de Covid-19 interdisant les rassemblements et de l’emprisonnement de ses figures de proue, le Hirak s’est éteint, mais des dizaines d’opposants ou défenseurs des libertés sont encore emprisonnés. Et “la répression des voix critiques de la dissidence” continue, selon Amnesty International.
Pour sa part, Tebboune estime avoir “remis le pays sur les rails en réponse aux besoins de la population et pour faire de l’Algérie une puissance économique”.
Non sans pointer du doigt les derniers mandats de Bouteflika (décédé en septembre 2021) comme “une décennie mafieuse”, dénonçant “le gang” de “priviligiés” (ministres ou hommes d’affaires) qui l’entouraient et ont été lourdement condamnés après sa chute.
À côté de ce grand ménage, Tebboune estime avoir également redressé la barre économique.
“Il est de notoriété publique que les recettes de l’État ont augmenté, que la saignée du Trésor relève du passé et que l’Algérie a récupéré les fonds dilapidés qu’elle pouvait récupérer, estimés en milliards de dollars”, a-t-il expliqué.
Selon Abidi, le président a été “aidé par une conjoncture internationale favorable”, avec la guerre en Ukraine qui a dopé depuis 2022 les prix du gaz naturel dont l’Algérie est le premier exportateur en Afrique, et sa “grande connaissance du fonctionnement de l’administration algérienne”.
Tebboune a introduit de “nouvelles méthodes de gouvernance orientée vers les besoins sociaux et matériels de la population”, a souligné Abidi, évoquant aussi un “discours de proximité trempé dans le registre populiste” et “un système de rente généralisé”. Avec la revalorisation des salaires publics, des retraites et l’attribution de logements sociaux.
En meeting récemment à Oran (ouest), Tebboune a promis 450.000 nouveaux emplois et une hausse de 13.000 à 20.000 dinars (environ 1500 dirhams) — au niveau du salaire minimum — de l’allocation chômage mensuelle, créée en 2022 pour les 19-40 ans.
À ceux qui critiquent des avancées trop lentes, Tebboune rétorque que son premier mandat a été amputé de deux ans “par la guerre contre le Covid-19 et la corruption”. Une période qui a marqué Abdelhamid Megunine, un étudiant de 20 ans interviewé par l’AFP à Alger : “Nous avons beaucoup souffert. Les prix et le coût de la vie ont augmenté.”
La situation s’améliore depuis 2022 avec une croissance annuelle d’environ 4% et des réserves de changes de 70 milliards de dollars. Mais l’économie et le financement des aides sociales restent dépendants des hydrocarbures, les exportations de gaz naturel fournissant 95% des ressources en devises.
En politique étrangère, le bilan de Tebboune est également mitigé, avec un retour de l’Algérie sur la scène internationale, notamment comme membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU où elle défend farouchement la cause palestinienne, mais ses relations avec certains voisins africains comme le Maroc et le Mali se sont détériorées.
De même, avec la France, l’ancienne puissance coloniale, une nouvelle brouille a éclaté fin juillet, quand Paris a apporté un soutien marqué au plan d’autonomie marocain pour le Sahara. Alger, qui y appuie les indépendantistes sahraouis, a répliqué par le retrait immédiat de son ambassadeur à Paris.