L’enquête, qui a recensé 7,3 millions d’immigrés (personnes nées étrangères à l’étranger et vivant en France en 2023), soit plus de 10% de la population, s’est intéressée aux trois continents d’où viennent 94% des immigrés : l’Afrique, l’Asie et l’Europe.
Ainsi en 2023, 48% des immigrés venaient d’un pays d’Afrique, 32% d’un pays d’Europe (25% du Portugal, 22% d’Espagne et d’Italie) et 14% d’Asie (24% de Turquie, 18% d’Asie du Sud dont l’Inde, le Pakistan et le Sri Lanka).
Parmi les immigrés africains, six sur dix sont originaires du Maghreb, contre neuf sur dix en 1968, tandis que ceux originaires d’Afrique sahélienne, guinéenne ou centrale ont doublé depuis 2006.
“L’immigration maghrébine est la plus ancienne en France parmi l’immigration africaine, en lien avec l’histoire de ces anciennes colonies françaises”, rappelle l’Institut national de la statistique (Insee). Notamment pour répondre aux besoins de main-d’œuvre dans l’Hexagone après la Seconde Guerre mondiale.
L’emploi demeure néanmoins un motif de déception pour les immigrés et en particulier pour les Africains, révèle l’Insee.
“La migration représente une rupture professionnelle pour l’ensemble des immigrés et si l’insertion professionnelle s’améliore au cours de la vie en France, les immigrés sont 29% à connaître ce qu’on appelle un sentiment de déclassement”, a expliqué lors d’une conférence de presse la co-auteure de l’étude Odile Rouhban.
“Ce sentiment peut être en partie lié à une ancienneté moins longue sur le territoire français. Mais même lorsqu’on s’intéresse aux immigrés d’Afrique qui sont en France depuis plus de 20 ans, ils sont encore 30 % à déclarer ce sentiment de déclassement”, a-t-elle commenté.
Les statistiques dévoilent que 32% des Africains estiment que leur emploi est en deçà de leurs compétences quand 26% de ceux nés en Europe ou en Asie ont ce même sentiment. Parmi la population de non-immigrés, cette part est de 24%.
Si ce sentiment est par définition “subjectif”, l’enquête a cherché à le “traduire de manière objective en comparant la catégorie socio-professionnelle occupée avant la migration et celle actuelle en France”, a souligné Rouhban.
Parmi les immigrés nés en Afrique qui avaient déjà travaillé avant la migration et qui ont travaillé depuis leur arrivée en France, 26 % occupent (ou ont occupé dans leur dernier emploi en France s’ils sont sans emploi) un poste moins qualifié que celui qu’ils occupaient avant de migrer.
Cette part de “mobilité descendante” est de 23% pour les immigrés d’Asie qui sont ceux qui maîtrisent pourtant le moins bien le français, et de 20 % pour les immigrés d’Europe.
Dans le détail, parmi les immigrés d’Afrique qui, avant la migration, occupaient un emploi d’ouvrier ou d’employé qualifiés, 38% occupent aujourd’hui en France un emploi d’ouvrier ou d’employé non qualifiés.
Symétriquement, seulement 13% des immigrés d’Afrique occupent un emploi qui est plus qualifié que celui qu’ils occupaient avant la migration et 43% un emploi de même catégorie socio-professionnelle.
Par ailleurs, avoir un diplôme du supérieur ne prémunit pas contre un risque de mobilité professionnelle descendante puisque 36% des immigrés africains dans cette situation sont diplômés du supérieur.
La non-reconnaissance de certains diplômes obtenus dans leur pays d’origine peut contraindre des personnes qui occupaient des postes qualifiés à accepter des postes moins prestigieux, outre “potentiellement une moins bonne maîtrise de la langue française et la discrimination sur le marché du travail qui concerne plus particulièrement les immigrés d’Afrique”, a avancé Rouhban.